Simon Brascoupé et sa fille regardant son œuvre exposée sur un mur de L’Hôpital d’Ottawa.
The Ottawa Hospital
L’artiste, chercheur et l'un des récipiendaires d'un doctorat honorifique cette année présente des faits saillants de ses travaux visant à garantir des soins de santé sûrs et accessibles aux communautés autochtones.

« Ce bébé a déjà toutes les connaissances dont il a besoin. » C’est ce que la grand-mère maternelle de Simon Brascoupé, une sage-femme respectée, disait chaque fois qu’une mère repartait à la maison avec son nouveau-né.

M. Brascoupé a hérité de connaissances traditionnelles issues de plusieurs générations, transmises par sa famille et sa communauté. Ces savoirs ont contribué à sa carrière, durant laquelle il a fait de nombreuses contributions à la santé et au bien-être des personnes autochtones.

Ce printemps, l’Université d’Ottawa lui décernera un doctorat honorifique en reconnaissance de sa carrière exceptionnelle.

L'Aîné Simon Brascoupé
Crédit photo : Simon Brascoupé

« Les doctorats honorifiques sont remis à des personnes ayant apporté une contribution exceptionnelle à l’Université d’Ottawa, à leur profession, à la science ou à la société en général. »

L’Université d’Ottawa

Crédit photo : Simon Brascoupé

L’artiste algonquin et Aîné Simon Brascoupé est membre de la Première Nation Kitigan Zibi Anishinabeg, à Maniwaki, au Québec. Il réside présentement sur le territoire algonquin à Ottawa, en Ontario.

Quand on lui demande quel est l’objectif central de ses travaux, il répond en souriant : « C’est compliqué ». Il choisit d’expliquer simplement qu’il a dédié sa carrière à l’avancement de l’éducation, de la gouvernance et des connaissances autochtones, ainsi qu’à la guérison par le travail communautaire.

« Mais, au fond, je suis un artiste, poursuit-il. Les peuples autochtones ont tendance à avoir une vision interconnectée du monde. J’ai donc utilisé l’art pour renforcer mes façons autochtones de savoir, d’être et de faire dans divers domaines. »

Si on ne voit qu’un côté, on ne tient pas compte de l’autre

Le rapprochement des perspectives autochtones holistiques et du monde universitaire, y compris dans le domaine de la médecine, est essentiel pour obtenir des résultats positifs en matière de résolution de problèmes et de prise de décisions.

Il faut adopter la vision à deux yeux, un principe qui guide de nombreuses communautés autochtones. D’un œil, explique M. Brascoupé, on regarde le monde du point de vue du savoir autochtone. De l’autre, on regarde le monde du point de vue de la science occidentale.

Par son art, ses recherches et ses actions en faveur de l’éducation médicale, il s’est toujours efforcé non seulement de voir les deux côtés, mais également de les réunir afin d’assurer l’accès à des soins de santé sûrs aux communautés autochtones.

Au cœur de la communauté médicale

L’Aîné Simon Brascoupé utilise tout ce qu’il a appris de sa famille dans son travail.

« Mes grands-parents paternels étaient guérisseurs. Mon grand-père était un herboriste réputé, explique-t-il. Je ne suis qu’un membre d’une communauté algonquine anishinaabe, mais je suis le produit de mes ancêtres. »

Œuvre colorée représentant des découpages de plantes médicinales autochtones.
L’œuvre de Simon Brascoupé, qu’on voit ici et qui est présentement exposée à L’Hôpital d’Ottawa, s’inspire de l’art ancien algonquin et représente un assortiment de remèdes algonquins encore utilisés au quotidien.

Tôt dans sa carrière, il s’est intégré à la communauté de l’éducation médicale, ce qui a renforcé l’impact de son travail de sensibilisation.

Son implication dans divers comités et conseils liés à la santé a contribué de manière importante à la santé et au bien-être des communautés autochtones. Le fait de participer à des groupes clés et d’occuper des postes de responsabilité lui a permis de jouer un rôle essentiel dans l’élaboration de politiques en matière de santé et des cadres éducatifs visant à améliorer les résultats de santé des populations autochtones au Canada.

Chez les Premières Nations, l’éducation est toujours en pleine transformation, à la suite d’une recommandation du rapport final de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996 qui préconisait l’augmentation des effectifs autochtones dans les professions de la santé.

À l’époque, M. Brascoupé travaillait pour Santé Canada, dont le programme « Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone » prévoyait l’octroi de millions de dollars, sur plusieurs années, aux écoles de médecine et de santé afin de soutenir l’éducation des personnes autochtones.

Ce projet comprenait un accord de contribution piloté par M. Brascoupé, lorsqu’il occupait le poste de directeur de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuits, de 2004 à 2005, et par Peter Walker, le doyen de l’époque de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Il s’agissait des premiers pas de ce qui deviendrait plus tard le Programme autochtone d’éducation médicale de premier cycle.

L’Aîné Simon Brascoupé est actuellement professionnel en résidence à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Il avait auparavant siégé pendant de nombreuses années au Comité des admissions de la Faculté de médecine.

Par ailleurs, l’amour de la médecine continue de se transmettre de génération en génération dans sa famille : sa fille, la Dre Sarah Funnell, après avoir obtenu son M.D. à l’Université d’Ottawa, a rejoint les rangs du corps professoral et est devenue la première directrice du Centre de recherche et d’éducation en santé autochtone, avant d’accepter le poste de doyenne associée et présidente de la santé autochtone à l’Université Queen’s.

Art, sentiment de sécurité et appartenance

La relation de Simon Brascoupé avec les organisations du secteur de la santé dépasse les travaux d’érudition et les politiques.

Selon ses recherches et son expérience, exposer des œuvres d’art dans les établissements de santé favorise un sentiment de sécurité global, tant chez le personnel que la patientèle autochtone, sur les plans physique, émotionnel, mental et spirituel.

« Lorsqu’on voit de l’art qui vient de notre communauté, on a l’impression d’être chez soi – on est chez soi », explique-t-il.

L’œuvre de M. Brascoupé exposée à L’Hôpital d’Ottawa, qu’il a créée avec son autre fille, Mairi, représente trois plantes médicinales et reflète les connaissances médicales algonquines. Les plantes sont inspirées de découpages fabriqués par les ancêtres de l’Aîné et utilisés traditionnellement pour décorer des paniers en écorce de bouleau.

On peut également trouver une grande murale réalisée par M. Brascoupé, intitulée The Vered Tree of Life, à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

Œuvre colorée représentant des animaux formant un arbre.
L’œuvre « The Vered Tree of Life » de l’Aîné Simon Brascoupé, exposée à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

Un patient autochtone de l’Alberta l’a appelé pour le remercier pour son œuvre. « Il avait fait une crise cardiaque, et à son arrivée à l’hôpital, il a vu la grande peinture et reconnu l’art autochtone, raconte l’Aîné. Il m’a dit que l’œuvre l’avait vraiment aidé dans sa convalescence. »

Simon Brascoupé raconte également l’histoire d’une famille de Kitigan Zibi, dont un membre en fin de vie avait été installé dans le corridor d’un hôpital. Une de ses filles tentait de lui obtenir une chambre. Elle est allée voir un membre du personnel et lui a dit : « Venez avec moi, je veux vous montrer l’art de ma communauté. » Elle lui a montré l’œuvre d’art, et le texte qui l’accompagnait; on y décrivait le mandat de l’hôpital de créer un espace sécuritaire pour les personnes autochtones. « J’aimerais que vous le fassiez pour ma famille », lui a-t-elle dit.

L’Aîné raconte que le personnel de l’hôpital a immédiatement trouvé une chambre pour la personne hospitalisée : « L’art peut avoir un impact et changer nos façons de faire. »

Le chemin qu’il reste à parcourir

Au début de sa carrière, M. Brascoupé entendait souvent des membres des Premières Nations affirmer ne pas avoir leur place en soins infirmiers ou en médecine, car il n’y avait pas de modèle à suivre dans ces domaines.

« J’ai constaté un réel changement à cet égard au cours des dernières années, explique-t-il. J’ai donc écrit des articles et mené des recherches sur la sécurisation culturelle, soit le fait de créer des environnements sécuritaires pour les personnes autochtones dans les hôpitaux et les cliniques. »

Pour la Faculté de médecine, Simon Brascoupé représente un partenaire clé en matière de vérité et de réconciliation. 

« Je crois que la Faculté de médecine a entamé un parcours auquel nous participons toutes et tous, moi y compris, avance-t-il. Et il en reste des parties à définir. »

Une structure en forme de canot suspendue au plafond d’une gare, avec des pagaies colorées accrochées à la structure.
L’installation artistique de Simon Brascoupé, nommée Màmawi, est un canot de style algonquin. Suspendu à la station Pimisi du train léger, il illustre l’idée qu’il faut plus d’une personne pour faire avancer un canot. Photo : Simon Brascoupé

Il recommande notamment d’établir des liens avec davantage de communautés éloignées et isolées. L’Aîné décrit les efforts de l’Université d’Ottawa pour attirer des étudiantes et étudiants dans sa communauté, Kitigan Zibi, à l’occasion d’ateliers donnés sur une fin de semaine.

« Nous avons formé beaucoup de médecins venant de notre communauté. Ces activités de recrutement sont importantes, et si on se fie au passé, plus nous rejoindrons les communautés éloignées du nord de l’Ontario et du Québec, plus les étudiantes et étudiants en médecine viendront à l’Université d’Ottawa. »

Simon Brascoupé sera accompagné de sa famille au moment d’accepter son doctorat honorifique à la collation des grades de l’Université d’Ottawa, en juin.

« Je le reçois avec humilité, dit-il. Il me fait penser aux générations futures et me donne une grande fierté. »

Photo principale : L’artiste algonquin Simon Brascoupé (à gauche) et sa fille Mairi réfléchissent à leur œuvre, qui est exposée à L’Hôpital d’Ottawa. Crédit photo : L’Hôpital d’Ottawa

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