Faire face à la crise : dans sa stratégie, le DMF propose un plan d’action pour veiller à ce que toutes les personnes aient accès aux soins primaires

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Par Michelle Read

Rédactrice, Faculté de médecine

Un professeur se tient devant une salle remplie d'étudiants en médecine
Un plan exhaustif élaboré par le Département de médecine familiale présente la solution qui permettra d’offrir des soins primaires multidisciplinaires aux 134 000 personnes dans la région d’Ottawa qui n’ont pas de médecin de famille.

En matière de soins de santé, la capitale du Canada est particulièrement mal desservie. En effet, au moins 134 000 personnes dans la région d’Ottawa n’ont pas de médecin de famille ou d’équipe de soins primaires.

L’Est ontarien n’est pas la seule région à faire face à cette crise. On estime qu’à l’heure actuelle, 6,5 millions de Canadiens, soit plus d’un Canadien sur cinq, n’ont pas un prestataire de soins primaires régulier. On s’attend à ce qu’en Ontario seulement, il y ait plus de 3 millions de patients orphelins d’ici 2025.

Pour faire face à la crise, il faudra une collaboration globale et stratégique entre les institutions, les professionnels du secteur et tous les ordres de gouvernement. Conscient de son rôle essentiel à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa, le Département de médecine familiale (DMF) s’attaque à cette crise à l’échelle locale et suscite un espoir grâce à des collaborations entre les chefs de file en médecine familiale de l’Université et d’ailleurs, qui participent à la recherche visant à soutenir des stratégies et solutions innovantes.

«C’est une situation épouvantable, et la région d’Ottawa en subit les conséquences », rapporte la Dre Clare Liddy, présidente du Département de médecine familiale à l’Université d’Ottawa. « Cependant, notre travail nous donne des raisons d’espérer. »

Dr. Clare Liddy
La Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa

« C’est une situation épouvantable, et la région d’Ottawa en subit les conséquences. Cependant, notre travail nous donne des raisons d’espérer. »

Dre Clare Liddy, directrice du Département de médecine familiale à la Faculté de médecine

La Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa

Les lacunes au sein de notre système de santé entraînent de nombreuses répercussions pour les Ontariens. Un nombre croissant de médecins ferment leur pratique prématurément, à savoir cinq ans plus tôt que prévu en moyenne. De telles décisions sont attribuables à plusieurs facteurs, notamment l’environnement de travail et le fardeau administratif, les défis créés par la COVID-19, le nombre croissant de départs à la retraite des médecins, des hausses importantes dans les frais généraux sans augmentation proportionnelle des revenus, et des modèles et forfaits de rémunération qui ne sont pas concurrentiels par rapport à ceux d’autres provinces.

Par ailleurs, très peu de nouvelles pratiques ouvrent leurs portes, ce qui conduit les diplômés à quitter la région en raison d’un manque de postes dans des équipes de soins multidisciplinaires. « La décision du gouvernement prise il y a 10 ans de suspendre l’expansion des équipes de soins de santé familiale a mené à l’environnement actuel pour les diplômés en médecine », explique la Dre Liddy.

Des mesures visant la sensibilisation et l’intervention

En tant que directrice du DMF, la Dre Liddy considère qu’une partie de son rôle consiste à être la porte-parole des médecins de famille et de mettre ces enjeux sur la table. Elle agit pour susciter le changement et permettre l’amélioration des soins de santé, dans le but ultime de réaliser un objectif majeur du DMF : réduire le nombre de patients orphelins.

La première étape consistait à quantifier les enjeux en matière de soins de santé dont sont victimes les résidents de la région d’Ottawa. La Dre Liddy appuie le travail de la Dre Kamilla Premji, chercheuse clinicienne débutante, qui recueille et traite des données sur les départs à la retraite des médecins et les ressources en santé humaine.

« Il était essentiel de quantifier le problème lié aux projections afin que ceux qui prennent les décisions en matière de financement soient conscients de la gravité de la situation », explique la Dre Liddy.

La mise sur pied d’une équipe chargée de concevoir une stratégie permettant de remédier à ce fléau s’imposait également. L’an dernier, six chefs de file en médecine familiale œuvrant en milieu communautaire (tous membres de la Faculté de médecine sauf un) ont uni leurs efforts pour rédiger et un document portant sur une stratégie de soins primaires pour la région et le faire circuler.

Dans le document figurent des données sur les populations et la main-d’œuvre que les chefs de file ont exploitées pour émettre leurs recommandations sur les moyens d’améliorer les soins primaires dans la région.

Le Dr John Brewer, directeur médical du Département de médecine familiale à L’Hôpital d’Ottawa, la Dre Danielle Brown-Shreves, fondatrice de Restore Medical Clinics, la Dre Alison Eyre, coprésidente de la Communauté de médecine familiale de Champlain, la Dre Liddy, le Dr Ben Robert, médecin en chef de Perley Health et Mme Kelli Tonner, directrice générale du Centre de santé communautaire du Sud-Est, forment cette équipe. Tous les travaux ont été réalisés en collaboration et en consultation avec divers intervenants en soins de santé primaire dans la région.

Dans sa stratégie, l’équipe émet une mise en garde : « Sans intervention, le nombre de patients orphelins et l’accès limité aux soins primaires qui en découle dans la région de la capitale nationale continueront de s’intensifier à un rythme sans précédent, ce qui entraînera une aggravation des problèmes en soins actifs, notamment l’augmentation des visites aux urgences et des taux de réadmission et la détérioration de la santé des populations ».

L'investissement dans les soins primaires est essentiel

La stratégie obéit à un principe : « personne ne doit être laissé pour compte ». Elle est articulée autour des « 5 R » : réforme des politiques désuètes afin de recruter et de retenir en poste les fournisseurs de soins primaires dans la région, restructuration des modèles de soins de santé et revitalisation du système.

Cette stratégie ambitieuse nécessite un investissement accru en médecine familiale et en soins primaires.

« Pour la région d’Ottawa, les chiffres suggèrent la nécessité d’un investissement d’un montant minimal de 100 millions de dollars, soit un investissement de 750 dollars par personne en soins primaires », rapporte la Dre Liddy.

« Un tel investissement servirait à la création, dans notre région, d’une structure qui permettrait à toutes les personnes de recevoir des soins primaires multidisciplinaires », poursuit-elle. Elle explique qu’une telle démarche nécessiterait non seulement la mobilisation des membres actuels des équipes de soins de santé, mais aussi l’augmentation des possibilités de formation en médecine familiale et au-delà.

L’équipe a rencontré des représentants des gouvernements fédéral, provincial et de l’administration municipale, notamment le maire et d’autres dirigeants locaux, et leur a transmis le document stratégique afin de les sensibiliser à ces enjeux et d’alimenter la discussion. La Dre Liddy affirme qu’ils sont ouverts à la recherche de solutions.

« L’une des solutions possibles consiste à développer une stratégie de recrutement pour attirer des médecins de famille dans notre région », dit-elle. « Une autre consiste à revoir et simplifier les notes et formulaires médicaux afin d’alléger le fardeau administratif des médecins de famille. »

Favorables à la mise en œuvre immédiate de solutions

En plus de mener les discussions en matière de financement, le DMF encourage les échanges au sein de la Faculté et au-delà pour trouver des moyens novateurs de mettre en œuvre immédiatement les solutions proposées dans la stratégie, en attendant le financement nécessaire.

En tant que présidente, la Dre Liddy cherche le soutien des personnes qui proposent des idées susceptibles de mettre en œuvre des solutions et les appuie dans leurs efforts. Par exemple, la conception et la mise en œuvre de modèles de soins de santé novateurs permettent au DMF d’évaluer l’aspect économique de la mise en place et de la prestation de ces nouveaux types de soins.

« Non seulement notre département brosse un tableau de la gravité de la crise en soins de santé, mais nous proposons également des solutions concrètes pour résoudre ce problème », explique la Dre Liddy.

De plus, le nombre de médecins en exercice étant insuffisant pour réinstaurer la structure telle qu’elle était, les nouveaux modèles de soins mettent en valeur des collaborations novatrices entre les professionnels de la santé. Avec l’érosion des soins traditionnels, complets, « du berceau à la tombe » que recevaient autrefois les patients, une nouvelle approche multidisciplinaire a émergé.

« Nous réclamons la mise en place de véritables soins multidisciplinaires », dit-elle. « Toutes les personnes y ont droit, mais, pour y parvenir, un investissement immédiat est nécessaire. »

Un grand groupe d'étudiants en médecine souriants
Le Département de médecine familiale de l’Université d’Ottawa réclame la mise en place de véritables soins multidisciplinaires. Pour ce faire, un investissement immédiat est nécessaire.

Améliorer l’attractivité de la médecine familiale

Parallèlement à la redéfinition des modèles de soins de santé, le DMF multiplie les efforts pour augmenter le nombre d’admissions au programme et améliorer la rétention des apprenants.

Dans le cadre du programme d’études médicales de premier cycle, on envisage la possibilité d’un parcours d’apprentissage avec accès direct en médecine familiale, plongeant directement les apprenants dans ce volet spécialisé et les mobilisant tôt dans des perspectives de carrière.

Le DMF s’associe également à des sites communautaires de la région et y investit afin de créer davantage de possibilités de formation. Ils ont soumis une demande visant l’augmentation du programme d’investissement pour aider les cliniques de soins primaires à élargir leurs infrastructures pour accueillir plus de stagiaires.

Quatre modules en ligne de lutte contre le racisme ont pour but de sensibiliser les apprenants à la façon d’identifier les communautés ayant plus difficilement accès aux soins, de prendre contact avec les patients orphelins et d’offrir des services.

« Une partie de la solution consiste à s’installer dans ces communautés pour contribuer à réduire le nombre de patients orphelins », explique la Dre Liddy. « Notre département appuie ce genre d’initiatives et les personnes qui s’investissent dans la communauté pour faire une différence. »

Le DMF s’efforce également d’améliorer l’attractivité de la médecine familiale. Les stagiaires sont attirés par les innovations du DMF en matière d’éducation médicale, l’une de ses missions principales. Avec un objectif de numérisation à 50 % du curriculum, le DMF déploie des efforts pour adopter une approche ludique en matière d’enseignement, offrir des activités de groupe en ligne en vue de l’amélioration de la qualité, proposer des séances d’apprentissage en ligne et des activités de réalité virtuelle. Outre la mobilisation des apprenants, ces innovations ouvrent de nouvelles possibilités de subventions.

« Notre approche avant-gardiste contribue à créer un environnement où nous pouvons mettre à l’essai de nouveaux modèles de soins, soutenir l’innovation et collaborer directement avec les communautés pour les aider », explique la Dre Liddy.

Une personne utilise des manettes tout en portant un casque de réalité virtuelle.
Le Département s’efforce d’améliorer l’attractivité de la médecine familiale grâce à des innovations en éducation médicale, notamment des activités de réalité virtuelle. Crédit photo: Ryan Morrison

Le DMF a investi dans l’ajout de ressources pédagogiques, comme les dermatoscopes et les appareils à ultrasons au point de service (POCUS), et une série de balados et d’outils d’apprentissage interactifs. Selon la Dre Liddy, de tels outils, ainsi que de solides possibilités de formation et de mentorat, élargissent l’expertise des stagiaires ainsi que la vision de leur carrière en médecine familiale.

Dans son rôle de leadership, la Dre Liddy dit qu’elle insiste auprès des apprenants sur les aspects gratifiants et intellectuellement stimulants de la spécialité dans la prise en charge de problèmes de santé chez des personnes de tous âges.

« Au cours de votre carrière, vous aurez de nombreuses occasions de prendre soin de gens et de communautés en touchant à divers volets du système de soins de santé », dit-elle.

La Dre Liddy croit que la crise locale en soins de santé est une occasion pour les médecins de famille de participer à la transformation de la façon de pratiquer la médecine familiale.

« J’ai l’impression que les choses avancent et je crois qu’il y a plusieurs raisons d’espérer un avenir meilleur », rapporte la Dre Liddy.

« Malgré les défis, j’envisage les prochaines années avec beaucoup d’optimisme pour la médecine familiale. »

Lire le document stratégique : Solving the Crisis of the Unattached Patient Problem in Ottawa & the Champlain Region: An OHT & Primary Care Collaborative Approach (en anglais)

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