Lutter contre le racisme envers les personnes noires en milieu universitaire

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Illustration de deux personnes travaillant dans la recherche, l'une contrôlant un bras robotisé avec une tablette numérique.
Les résultats décrits dans un nouveau rapport sur le racisme à l’endroit des personnes noires dans la recherche, publié en février dernier, n’étonneront sans doute pas les chercheuses et chercheurs noirs; en revanche, les recommandations qui en découlent pourraient bien améliorer leur situation, selon Karine Coen-Sanchez, étudiante de cycle supérieur à l’Université d’Ottawa, qui a coprésidé pendant deux ans le comité consultatif à l’origine du rapport.

Le Comité consultatif de lutte contre le racisme à l’endroit des personnes noires dans les programmes de recherche et de formation en recherche a été créé en 2021 par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), avec le mandat de trouver des solutions pour abattre les barrières raciales, garantir un accès équitable au financement et mieux faire entendre les voix des chercheuses et chercheurs noirs.  

Le CRSH, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada forment ce qu’on appelle les trois organismes subventionnaires, qui versent une part importante du financement pour la recherche au Canada.  

Pour en finir avec les préjugés historiques et systémiques 

Dans son rapport final (PDF, 928Ko), le Comité consultatif constate une sous-représentation des personnes noires dans le milieu canadien de la recherche (y compris en ce qui concerne l’embauche et l’octroi de promotions) et la présence d’obstacles à leur avancement ancrés dans le racisme systémique et les formes intersectorielles de discrimination. Les personnes noires portent un fardeau excessif dans les milieux universitaires, manquent de mentorat aux cycles supérieurs et sont victimes de préjugés inconscients dans le processus d’évaluation du mérite. 

À son entrée aux études supérieures il y a quelques années, constatant l’écart flagrant entre la proportion d’étudiantes et d’étudiants noirs et celle de personnes noires au sein du corps professoral, Karine Coen-Sanchez a mené un sondage auprès de 76 membres racisés de la population étudiante. Résultat : 47 % ont déclaré avoir été la cible de racisme au cours de leurs études supérieures, mais très peu l’ont signalé (en anglais seulement).

Aujourd’hui, Karine Coen-Sanchez est une militante réputée pour son leadership en promotion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion (EDI). C’est sa propre expérience étudiante qui a éveillé son intérêt pour le problème du racisme systémique dans les établissements d’enseignement et de ses répercussions sur les personnes racisées dans la population étudiante, le corps professoral et le personnel, dont elle a fait le sujet de sa thèse.  

Dans le cadre de ses fonctions au Comité consultatif du CRSH, elle voulait instaurer et diriger des collaborations, y compris avec l’Université d’Ottawa, dans le but d’intégrer des objectifs d’inclusion ambitieux dans tous les aspects de la vie universitaire.  

L’Université d’Ottawa, comme bien d’autres établissements d’enseignement supérieur au Canada, a établi un plan d’action pour améliorer l’EDI et créer un climat plus inclusif dans les milieux de recherche, reconnaissant l’importance de cette condition pour resserrer les liens sociaux, motiver la population étudiante et le personnel, rester à l’avant-garde dans un monde en constante évolution, et stimuler l’innovation au Canada.  

Du financement, oui... mais pas seulement 

Le gouvernement du Canada a récemment annoncé la création d’une nouvelle subvention des trois organismes subventionnaires pour les chercheuses et chercheurs noirs, qui sera versée à compter de 2023-2024 et prévoit l’octroi de 40,9 millions de dollars sur cinq ans et de 9,7 millions de dollars chaque année par la suite. Karine Coen-Sanchez salue cette initiative, tout en rappelant qu’il reste du pain sur la planche. « Le fait d’accorder plus de financement n’élimine pas les autres obstacles qui subsistent dans le système, » nuance-t-elle. « Collectivement, nous ne parvenons toujours pas à conserver, à intégrer et à respecter les cerveaux et leurs savoirs qui sont depuis toujours mis à l’écart de la prise de décisions. » 

Karine Coen-Sanchez

« Collectivement, nous ne parvenons toujours pas à conserver, à intégrer et à respecter les cerveaux et leurs savoirs qui sont depuis toujours mis à l’écart de la prise de décisions.  »

Karine Coen-Sanchez

— Doctorante à l'Université d'Ottawa

Par ailleurs, la route est encore longue vers l’égalité des revenus entre les personnes noires et blanches ayant le même niveau d’éducation postsecondaire. Un rapport de Statistique Canada de 2023 confirme que les personnes racisées gagnent encore aujourd’hui moins que leurs homologues du groupe non racisé. L’étude révèle en outre que la proportion de femmes et d’hommes ayant un diplôme universitaire, toutes disciplines confondues, est plus faible dans la population noire que dans le reste de la population du Canada.  

Malheureusement, le manque de données ne permet pas d’évaluer l’équité de l’accès au financement pour les chercheuses et chercheurs noirs. Selon le CRSH, les données provinciales manquantes et les pratiques des établissements en matière de données – plus précisément le refus de nombreuses universités de recueillir et de publier des renseignements de déclaration volontaire – sont symptomatiques des obstacles systémiques, mais figurent aussi au cœur de la solution. 

Quatre recommandations 

Karine Coen-Sanchez énonce les quatre grandes recommandations du Comité consultatif :  

  • Un accès équitable à l’appui à la recherche. 

  • Une participation équitable au sein de l’écosystème de la recherche. 

  • Des pratiques et méthodes de recherche qui intègrent l’EDI. 

  • Le financement de nouvelles recherches pour lutter contre le racisme à l’endroit des personnes noires dans la société et soutenir les études noires.  

L’accès équitable à l’appui sur la recherche repose sur quatre mesures : recueillir de meilleures données, offrir des bourses réservées aux chercheuses et chercheurs noirs, éliminer les préjugés contre les chercheuses et chercheurs noirs et les études noires dans l’évaluation du mérite, et promouvoir l’excellence en recherche des personnes noires. 

Karine Coen-Sanchez affirme qu’elle verra à ce que des changements durables soient apportés – et les personnes qui connaissent sa ténacité savent que ce ne sont pas des paroles en l’air.   

« Ma détermination à contribuer au changement social fait indissociablement partie de moi », dit-elle.