La molécule qui change la donne : une équipe de l’Université d’Ottawa joue un rôle clé dans le dépistage de la COVID-19 à travers le monde

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Salle de presse
Une personne qui porte un équipement de protection et tient un coton-tige
Saviez-vous qu’il y a un peu de l’Université d’Ottawa dans des trousses de dépistage de la COVID-19 utilisées partout dans le monde?
En effet, une équipe de la Plateforme de recherche sur la chimie en flux (qui fait partie du Centre de recherche et d’innovation en catalyse, ou CRIC) a mis au point une nouvelle méthode, plus durable et plus sécuritaire pour préparer en grandes quantités un ingrédient essentiel utilisé dans les trousses de dépistage du SARS-CoV-2. Cette innovation aide ainsi à pallier la pénurie mondiale.

Pour en savoir plus, nous nous sommes entretenus avec Michael Organ, professeur au Département de chimie et sciences biomoléculaires de l’Université d’Ottawa et directeur du CRIC.

Dites-nous en plus sur cette nouvelle technologie.

« On dépiste le SARS-CoV-2 à l’aide d’une réaction en chaîne de la polymérase (RCP), qui détecte l’ARN viral. Les trousses de dépistage contiennent des sondes qui sont préparées alors qu’elles sont attachées à la surface de billes de verre grâce à une molécule de liaison non nucléosidique (voir l’image ci-dessous). Or, il faut une série de procédés chimiques pour créer ces molécules de liaison à partir des substances chimiques disponibles sur le marché, et cette étape essentielle s’est avérée problématique.

C’est pour cette étape clé que notre équipe a conçu une voie durable, basée sur la chimie en flux.

La COVID-19 n’est qu’une cible parmi d’autres : la même technologie peut servir à de nombreux autres tests. »

Qu’est-ce que la chimie en flux?

« La chimie en flux est la synthèse continue des composés qui transitent par un long tube plutôt que dans les grandes cuves traditionnelles appelées “réacteurs discontinus”. L’approche en flux produit la matière en plus petites doses, mais de façon continue sur une plus longue période de temps. Il est plus facile de contrôler le processus, et on obtient souvent un mélange plus propre et plus facile à purifier. C’est une forme de “fabrication durable” : on produit juste ce dont on a besoin et on l’utilise immédiatement, ce qui permet d’éviter l’accumulation de stocks coûteux et potentiellement dangereux. De plus, on peut interrompre le flux à la minute où quelque chose change dans le processus, sans nuire à la matière déjà produite. L’approche discontinue est comparativement plus risquée : on peut perdre un lot tout entier s’il y a une erreur, ce qui pourrait coûter des millions de dollars à l’industrie pharmaceutique, par exemple. »

Pourquoi fallait-il préparer le lieur en grandes quantités?

« La pandémie de COVID-19, combinée aux difficultés inhérentes à la préparation discontinue des lieurs, a créé une grave pénurie mondiale.

Avant l’arrivée de la COVID-19, la consommation annuelle de cette substance pour des tests de ce genre était d’environ un kilogramme par année, et cette quantité était fournie par Toronto Research Chemicals (TRC), une filiale de LGC établie à Toronto. La demande a augmenté : elle représente actuellement plus de 25 fois la consommation annuelle mondiale.

Avec la technologie conçue à l’Université d’Ottawa, on peut maintenant produire plusieurs kilogrammes par mois, ce qui permet à TRC de répondre à la demande mondiale. Si la demande de tests augmente, nous pourrions faire fonctionner le système pendant de plus longues périodes ou installer un second système parallèle.

À la lumière de cette expérience, TRC envisage de produire d’autres matières à l’aide d’un procédé en flux, ce qui rendrait les activités de production encore plus méthodiques et sécuritaires. »

Comment y êtes-vous arrivés?

« Notre groupe a été l’une des premières équipes universitaires à se pencher sur la production de petites molécules organiques en flux. Cela fait près de 20 ans qu’on améliore différents aspects de cette technologie.

La chimie impliquée dans le projet de TRC est capricieuse, et il faut être extrêmement minutieux pour contrôler le processus et veiller à ce qu’il reste sécuritaire, surtout quand on travaille à grande échelle.

Nous avons inventé un réacteur en flux spécialement conçu pour ce processus. L’idée était de se doter de conditions d’exploitation très précises, pour mieux diriger la synthèse de la molécule de liaison. Nous obtenons ainsi une molécule pure à l’issue d’un processus sécuritaire et à haut rendement.

Des centaines de grammes de cette matière précieuse ont été préparées à la Plateforme de recherche sur la chimie en flux de l’Université d’Ottawa avant d’être envoyées à TRC pour intégration aux trousses de dépistage de la COVID-19.

TRC est, depuis plus de 30 ans, un grand fabricant de produits chimiques fins. Son expertise sur ce composé est inégalée dans le monde. Ses chimistes le connaissent à fond et savent comment le purifier, l’analyser, le stocker, etc. La chaîne d’approvisionnement de TRC met aussi l’entreprise en relation avec les utilisateurs finaux qui fabriquent les trousses de dépistage. »

Quelles sont les prochaines étapes?

« L’entreprise a engagé des fonds pour soutenir l’expansion du projet. Ces fonds aideront notamment TRC à passer à des procédés en flux pour la production d’autres matières.

Par ailleurs, la Plateforme de l’Université d’Ottawa travaille à des projets d’intelligence artificielle qui permettront d’optimiser ces processus chimiques à l’aide d’algorithmes afin d’obtenir ainsi les meilleures conditions de réaction pour la fabrication.

C’est très lié à ce qu’on appelle l’apprentissage automatique, ou “apprentissage machine”, qui inclut la conception d’équipements “intelligents” capables de faire certaines opérations en l’absence d’une opératrice ou d’un opérateur. On peut imaginer par exemple que les chimistes pourront, à plus long terme, utiliser leur téléphone cellulaire pour suivre et gérer les processus à distance.

Le but est de limiter la présence humaine dans les laboratoires. Ce n’est pas seulement avantageux au regard des restrictions actuelles imposées par la COVID-19 : nous croyons en fait que ces démarches annoncent une ère nouvelle dans notre secteur. Comme davantage de personnes pourraient travailler de la maison, cela pourrait donner lieu à des progrès considérables en matière d’équité, de diversité et d’inclusion dans le domaine de la chimie. »

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Voici les chefs d’équipe du projet : Andrew Corbett (directeur de la production chimique, TRC), le professeur Michael Organ (directeur du CRIC, Université d’Ottawa), Debasis Mallik (gestionnaire des installations de chimie en flux, CRIC, Université d’Ottawa), Aliakbar Mohammadzadeh (ingénieur en mécanique, boursier postdoctoral, Université d’Ottawa), Sepideh Sharif (chimiste de synthèse, boursière postdoctorale, Université d’Ottawa), Jürgen Schulmeister (chimiste de synthèse, boursier postdoctoral, Université d’Ottawa), Volodymyr Semeniuchenko (chimiste de synthèse, associé de recherche, Université d’Ottawa) et Peter Zhang (ingénieur en logiciel, Université York). Un grand merci également au professeur Arturo Macchi (ingénieur chimiste, Université d’Ottawa).

Pour ce projet, l’Organ Group a été subventionné par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). Il a aussi reçu de la part de Mitacs une bourse de recherche liée à la COVID-19, d’une somme égale au financement fourni par TRC.

À propos de la Plateforme de recherche sur la chimie en flux

La Plateforme de recherche sur la chimie en flux, qui fait partie du CRIC, est gérée par Debasis Mallik ([email protected]). On y trouve des équipements de pointe qui permettent d’innover dans la recherche en fabrication durable. C’est un carrefour international où se tissent des partenariats novateurs entre le secteur privé et le milieu universitaire et où se déroulent des recherches fondamentales sur l’analyse et la chimie en flux. Elle collabore actuellement avec des chercheuses et chercheurs universitaires et des leaders de l’industrie à la création de nouveaux outils permettant d’optimiser la fabrication intelligente (en tablant notamment sur l’intelligence artificielle) ainsi que les technologies d’analyse des procédés.

RENSEIGNEMENTS SUPPLÉMENTAIRES : Voir les autres images.

Pour les demandes médias :
Justine Boutet
Agente de relations médias
Université d’Ottawa
Tél. : 613‑762‑2908
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