Repenser le consentement : la professeure Jane Bailey explore de nouvelles avenues à l’ère de l’IA et des mégadonnées

Par Common Law

Communication, Faculté de droit

professor Jane Bailey
À l’ère numérique, que veut dire donner son consentement?

Avec l’essor de l’intelligence artificielle et de l’analyse des mégadonnées, la notion traditionnelle du consentement individuel comme garantie du respect de la confidentialité est mise à rude épreuve, en particulier pour les membres des communautés marginalisées. 

Un nouveau projet de recherche, codirigé par les professeures Jane Bailey (Section de common law) et Jacquelyn Burkell (Université Western), vise à répondre à cette question urgente et à revoir la manière d’élaborer les politiques canadiennes en matière de protection de la vie privée. Les professeures Bailey et Burkell ont reçu une subvention Savoir du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) pour un projet de quatre ans intitulé « Rethinking Consent in Light of Scientific and Technological Developments » (Repenser le consentement à la lumière des progrès scientifiques et technologiques). Le projet rassemble une équipe dynamique et interdisciplinaire, formée du professeur Chidi Oguamanam de la Section de common law en tant que codemandeur, de la professeure Danica Pawlick-Potts (Université York), ainsi que de Tamir Israel et de Nat Paul (ACLC). L’équipe explorera de nouvelles approches en matière de protection de la vie privée et d’égalité des droits à une époque où les mécanismes traditionnels de recueil du consentement s’avèrent de plus en plus inadaptés.

Au cœur du projet se trouve un défi majeur : le système actuel fondé sur le consentement éclairé individuel, dans lequel les personnes « acceptent » les modalités de collecte et d’utilisation de leurs renseignements personnels, se révèle de plus en plus inadapté face à l’accélération des changements technologiques. La collecte de données n’est plus une simple transaction. On parle désormais de renseignements personnels interconnectés pouvant servir à établir des raisonnements inductifs non seulement sur les individus, mais aussi sur leurs communautés, leurs groupes sociaux et des catégories créées par l’algorithme. Les risques deviennent encore plus grands chez les populations marginalisées, déjà victimes d’une surveillance et d’une discrimination disproportionnées.

Les professeures Bailey et Burkell et leur équipe sont déterminées à transcender les conceptions individualistes de la vie privée qui prédominent depuis longtemps dans les débats politiques. Les mécanismes actuels se résument souvent à une simple case à cocher pour donner son consentement. Ils sont loin de refléter la complexité des dynamiques sociales et le déséquilibre de pouvoir qui accompagnent les pratiques modernes en matière de gestion des données. L’équipe veut axer sa démarche autour de l’expérience vécue des personnes les plus touchées par les préjudices liés aux données et contribuer à l’élaboration de politiques équitables et publiquement responsables.

Le projet s’articule autour de trois objectifs clés. Premièrement, il consistera à produire une analyse accessible et intégrative des différentes approches en matière de vie privée et de consentement, en synthétisant diverses publications universitaires dans les domaines juridique, technologique et social. Deuxièmement, il s’agira de collecter des données de première main en sondant des Canadiennes et des Canadiens de tous horizons, surtout des personnes issues des communautés les plus vulnérables aux atteintes à la vie privée et à l’égalité. Troisièmement, l’équipe organisera et animera une discussion délibérante réunissant des membres du public et des décisionnaires afin de formuler conjointement des recommandations politiques qui traduisent mieux les droits collectifs et les intérêts sociétaux communs.

Cette démarche collaborative et centrée sur la communauté reconnaît l’inégalité dans la distribution des risques liés à la confidentialité des données. Toute réforme politique sérieuse doit donc être éclairée par les personnes les plus touchées. Le projet fournira également aux étudiantes et étudiants en droit et en sciences sociales des occasions de formation pratique et d’avant-garde, leur permettant de se familiariser avec la recherche juridique, l’implication communautaire et la mobilisation des connaissances. Dans le cadre de sa stratégie de partage des connaissances, l’équipe de recherche collaborera étroitement avec l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC) pour produire du matériel pédagogique vulgarisé destiné au grand public et soumettra directement ses propositions aux décisionnaires politiques, avec qui elle tâchera de nouer un dialogue.

La Faculté de droit souhaite féliciter les professeures Bailey et Burkell ainsi que l’ensemble de l’équipe de recherche pour cette réalisation exceptionnelle.