Des souris et des grippes d’homme

Publié le mardi 1 novembre 2016

Woman smiles in a laboratory in front of a desk with papers, test tubes and a blackboard in the background.

Nafissa Ismail, professeure de psychologie et directrice du laboratoire NISE.

Par Mike Foster

Le débat sur l’existence réelle de la grippe d’homme (ou si les hommes sont simplement de gros bébés) est aussi inévitable que le retour annuel de ladite maladie.

Or, une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université d’Ottawa donne raison aux hommes. Eh oui, les grands costauds ténébreux qui se transforment en tristes épaves qui grelottent devant leur marathon de The Wire peuvent maintenant blâmer leur physiologie. En effet, lors de leurs expériences, les chercheurs ont constaté que les souris mâles infectées par la grippe montraient plus de comportements associés à la maladie que les souris femelles, que leur température corporelle affichait davantage de fluctuations et qu’elles prenaient plus de temps à se rétablir.

Menée au laboratoire NISE (NeuroImmunologie, Stress et Endocrinologie) de l’Université, cette recherche a récemment été publiée en ligne dans la revue scientifique Brain, Behaviour and Immunity.

L’étude « Age and sex differences in immune response following LPS treatment in mice » s’inscrit dans le prolongement d’autres recherches qui avaient mis au jour le rôle des hormones sexuelles dans les différentes réponses immunitaires chez les mâles et les femelles. Ainsi, la testostérone est généralement considérée comme un immunosuppresseur, alors que l’estrogène est considéré comme un immunostimulant.

Dans le cadre d’une recherche plus vaste sur les transformations du cerveau liées à la puberté, des chercheurs de l’École de psychologie de l’Université (Faculté des sciences sociales) et de l’École des sciences de la nutrition (Faculté des sciences de la santé) se sont penchés sur le rôle joué par l’âge et le sexe dans les réactions immunitaires graves.

La professeure de psychologie Nafissa Ismail, directrice du laboratoire NISE, explique : « Mes données soutiennent l’idée que la grippe d’homme n’est pas qu’un mythe. »

Man looking dishevelled holding a tissue and mug.

C’est physiologique, monsieur!

Les chercheurs ont injecté dans des souris mâles et femelles, adultes et pubères, la même infection bactérienne provoquant les symptômes associés à la grippe humaine.

« Certes, déclare Nafissa Ismail, nous ne voyons pas les souris se pelotonner sous les couvertures, mais elles se blottissent l’une contre l’autre, perdent leur appétit, deviennent léthargiques et ont les paupières lourdes. »

Les expériences consistaient à injecter du lipopolysaccharide (LPS) à des groupes de souris pour ensuite observer leurs comportements symptomatiques et leur température corporelle, à mesurer les cytokines inflammatoires et anti-inflammatoires dans leur sang après l’infection au LPS, puis à retirer leurs hormones gonadiques pour voir si cela influençait les résultats.

Les symptômes physiques des souris adultes mâles étaient visiblement pires que ceux des souris adultes femelles et des souris pubères des deux sexes. Les mesures physiologiques de leurs réactions immunitaires (température corporelle, fièvre et signes d’inflammation) étaient aussi plus marquées.

Selon la professeure Ismail, l’étude est unique en ce qu’elle compare des souris mâles et femelles, mais aussi des souris adultes et pubères. D’ailleurs, ses recherches s’intéressent à l’effet à long terme que les événements stressants vécus durant la puberté semblent avoir sur les comportements reproducteurs et d’autres comportements.

Les souris pubères se rétablissent beaucoup plus vite, car leur système immunitaire en développement sous-réagit aux infections. Il semble toutefois qu’à long terme, l’exposition à des facteurs de stress pendant la puberté les prédispose à des changements à leur cerveau et à leurs comportements, et notamment à des comportements qui sont symptômes de dépression, d’anxiété et de problèmes cognitifs, précise la professeure.

Dans des études connexes, Mme Ismail et les doctorantes Rupali Sharma, Emma Murray et Daria Kolmogorova prévoient mesurer l’effet de la mononucléose sur les adolescents et les adultes. De plus, grâce à une subvention d’engagement partenarial du CRSNG, la professeure et ses étudiantes tenteront de découvrir si un apport en probiotiques pendant la puberté peut prévenir les problèmes de santé mentale plus tard dans la vie.

Jusqu’à preuve du contraire, les hommes pourront donc se blottir sous les couvertures en invoquant ces découvertes la prochaine fois qu’ils seront terrassés par une vraie grippe… d’homme.

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