Le quadrilinguisme officiel

Singapour a pour nom officiel les appellations suivantes: Republic of Singapore (en anglais), Republik Singapura (en malais), Cingkappūrā Kudiyaracu (en tamoul:  சிங்கப்பூர்), Xīnjīapō Gònghégúo (en chinois: 新加坡共和国). En français, on emploie «République de Singapour». C'est un petit État du Sud-Est asiatique de 693 km² situé à l’extrémité sud de la péninsule de Malacca en Malaisie, dont il est séparé par le détroit de Johor. Singapour constitue un archipel formé d’une île principale (île de Singapour appelée aussi Pulau Ujong) et d'environ une soixantaine d'îlots. Dans son ensemble, cet archipel demeure l'un des plus petits pays au monde: il est huit fois plus petit que l'île du Prince-Édouard (5660 km²) et un peu plus grand que l'île de Montréal (421 km²). Par comparaison, la petite Belgique avec 30 530 km² et l'île de Vancouver avec 31 285 km² paraissent énormes, tout en demeurant minuscules par rapport au Canada (9,9 millions km²). 

Étant donné que Singapour est une cité-État, ses divisions administratives sont relativement petites: on compte depuis 2001 cinq districts qui sont eux-mêmes divisés en circonscriptions électorales ("electoral constituencies") et en conseils municipaux ("town councils").

Singapour

Le pluralisme de Singapour

La population de Singapour (5,7 millions en 2018) est d'une grande complexité par rapport à celle du Canada. Le pays abrite trois ethnies principales: les Chinois (76,8 %), les Malais (13,9 %) et les Indiens (7,9 %), dont principalement des Tamouls. Ensuite, il y a les «autres» ethnies composées de beaucoup d'Occidentaux
(Australiens, Britanniques, Américains, Néo-Zélandais, Allemands, etc.), mais également de nombreux Asiatiques (Japonais, Philippins, Thaïs, Coréens, etc.). Au total, on dénombre une quarantaine d'ethnies différentes dans un petit territoire.

De plus, il faut distinguer deux types de Singapouriens: les résidents (70,7 %) et les non-résidents (29,3 %), ces derniers étant des ressortissants étrangers qui habitent le pays pour une durée limitée, soit pour y travailler, soit pour y étudier, soit pour aider des personnes à charge. Ces non-résidents sont des titulaires d'un permis de travail ou des détenteurs d'un titre de séjour, en tant que travailleurs étrangers ou étudiants, ou pour d'autres raisons acceptées par les autorités.

Singapour groupe Ethiques et language
Singapour groupe Ethiques et language

Les ethnies et les langues

La situation linguistique de Singapour peut surprendre, tant les ethnies et les langues sont imbriquées. C'est le seul pays au monde à posséder quatre langues officielles sur l'ensemble de son territoire au surplus très petit: le chinois mandarin, le malais, le tamoul et l'anglais.

Les Chinois forment l'ethnie majoritaire (76,8 %), mais ils se répartissent entre plusieurs langues chinoises différentes, dont le mandarin (24,8%), le min nan (34,5%), le cantonais (7,6%), le hakka (4,3%), le min dong (1 %), le puxian (0,4 %) et le min bei (0,3 %), etc. Les Chinois ne sont pas des Singapouriens d'origine; ils ont fui le sud de la Chine pour immigrer à Singapour avant ou immédiatement après la Seconde Guerre mondiale.

Le deuxième groupe ethnique principal est constitué des Malais (13,9 %). Au point de vue historique, ce sont les «vrais» Singapouriens, car ils font partie d'une grande ère linguistique réunissant Singapour, la Malaisie et l'Indonésie. Ils ont été minorisés dans le petit archipel de Singapour par les Chinois, mais ils ont pu bénéficier de l'apport des Indonésiens culturellement et linguistiquement très proches parents des Malais. Pour les autorités, les Indonésiens sont des Malais, ce qui explique le fait que seulement 6,7 % des Malais parlent la langue malaise, les autres utilisent des langues apparentées comme l'indonésien, le javanais, le bouguinais, etc.

Les Indiens (7,9 %) sont le troisième groupe ethnique important, mais ils ne sont que 2 % à parler le tamoul, car ils ne forment donc pas une communauté linguistique homogène: on y trouve des Indiens parlant, outre le tamoul, le bengali, le panjabi, l'hindi, le sindhi, le gujarati, l'ourdou, etc. Parmi ces langues, seul le tamoul est reconnu comme une langue officielle.

Singapour abrite des locuteurs des langues austronésiennes comme le malais et l'indonésien, des langues sino-tibétaines comme les langues chinoises, des langues dravidiennes comme le tamoul et le malayalam, des langues indo-iraniennes comme l'hindi et le panjabi, sans oublier des langues germaniques comme l'anglais.

Le chinois mandarin est la langue véhiculaire pour tous les sinophones; le malais pour tous les Malais, les Indonésiens et les Philippins; le tamoul pour environ 60 % des Indo-Pakistanais; l'anglais pour tous les autres. Finalement, les quatre langues officielles (anglais, chinois, malais et tamoul) comptent pour 36,4 % des langues maternelles du pays (dont 24,8 % pour le seul mandarin), mais ces langues permettent la communication avec la quasi-totalité de tous les groupes ethniques, l'anglais ayant une longueur d'avance sur les autres langues comme langue seconde.

Les alphabets

Pour rendre la situation plus complexe, les quatre langues officielles s'écrivent avec trois écritures différentes. L'anglais et le malais sont des langues transcrites toutes deux avec l'alphabet latin; par exemple, les mots "Danger" en anglais et "Bahaya" en malais.

Le chinois mandarin, comme toutes les langues chinoises, s'écrit avec des idéogrammes appelés généralement «caractères chinois». Historiquement, ces idéogrammes forment le plus ancien système d'écriture au monde, qui soit resté d'un usage continuel. Ces idéogrammes chinois figurent au deuxième rang parmi tous les systèmes d'écriture dans le monde, derrière l'alphabet latin (le premier), et devant tous les autres systèmes alphabétiques (cyrillique, grec, arabe, devanagari, hébreu, etc.)

L'alphabet tamoul sert à transcrire la langue tamoule qui est normalement parlée dans le sud de l'Inde, principalement dans l'État du Tamil Nadu et dans l'Union territoriale de Pondichéry (comme langue co-officielle), ainsi qu'au Sri Lanka et en Malaisie comme langue minoritaire. Le tamoul utilise un alphabet dont l'origine remonte à environ 2500 ans; il est composé de voyelles, de consonnes et d'unités syllabiques associant dans un même signe une consonne et une voyelle.

L'anglais et le singlish

L'anglais est une langue incontournable à Singapour, car il est considéré comme la langue la plus importante. Cependant, l'anglais normalement utilisé comme langue véhiculaire à Singapour n'est pas l'«anglais colonial» ("colonial English language") d'origine britannique, mais l’«anglais de Singapour» (ou "Singapore English"), un anglais local basé sur l'anglais britannique avec certaines influences américaines. Cet anglais local est un peu différent que l'anglais «standard» compris dans les autres pays. Si l'on fait exception des anglophones occidentaux (Royaume-Uni, États-Unis, Canada, Australie, etc.), les anglophones du continent asiatique finissent par adopter l'anglais de Singapour. Quoi qu'il en soit, l'anglais singapourien et l'anglais standard restent néanmoins compréhensibles sans trop d'efforts.

Il existe aussi un autre «anglais singapourien» appelé singlish(contraction de Singaporeet d'English). Il s'agit, cette fois-ci, d'un anglais très différent de l'anglais standard, appelé "Singapore Colloquial English", plus simplement "Singlish".Cette langue véhiculaire a subi l'influence des tons du hakka et du min nan, a développé une grammaire et une syntaxe simplifiée, et a emprunté des mots au chinois (mandarin), au malais, au tamoul et à d'autres langues parlées dans l'archipel.

Plus les Singapouriens sont instruits, plus ils emploient une variété d'anglais dite «standard». Par contre, moins ils sont instruits ou lorsque leur langue maternelle n'est pas l'anglais, ce qui est la règle presque générale, plus ils ont tendance à parler le singlish. Ainsi, la plupart des locuteurs de Singapour alternent systématiquement entre un langage familier et un langage formel en fonction de la situation de communication. Entre les membres d'une même ethnie, ils parlent leur langue maternelle, sinon c'est l'anglais, le singlishou le chinois mandarin.

Le bilinguisme des Singapouriens

Selon le recensement de 2010, les Singapouriens sont unilingues dans une proportion de 28,2 %, surtout avec le chinois, sinon l'anglais. Les bilingues représentent 61 % des Singapouriens, d'abord avec le chinois et l'anglais, puis avec le malais et l'anglais.

Les religions

Une analyse réalisée en 2014 par le Pew Research Center (É.-U.) a démontré que Singapour était le pays le plus diversifié au monde au plan religieux. Le bouddhisme (33,3%) et le christianisme (18,3%) sont les religions les plus pratiquées avec l'islam (14,7%) et le taoïsme (10,9%), l'hindouisme étant moins fréquent parmi la population.

On peut constater qu'il existe des liens entre la religion pratiquée, les ethnies et les langues. Ce sont les Chinois qui sont bouddhistes et taoïstes (57%), bien que plusieurs soient chrétiens (20%). Dans une proportion de 99%, les Malais sont musulmans avec un petit nombre d'Indiens et parlent des langues austronésiennes. En général, les Indiens pratiquent surtout l'hindouisme dans une proportion de 59% et parlent des langues dravidiennes (tamoul) ou indo-iraniennes (hindi, ourdou, bengali, etc.).

Writing systems

To make matters even more complicated, the four official languages are written using three different scripts. Both English and Malay use the Roman alphabet, for example the words "Danger" in English and “Bahaya" in Malay.

Mandarin Chinese, like all other Chinese languages, is written with ideograms, which are generally referred to as “Chinese characters”.  Historically, these ideograms form the oldest writing system in the world, a system that has remained in continuous use for over 3000 years.  The Chinese writing system currently ranks second in the world, behind the Roman alphabet in first place, and ahead of all other writing systems (Cyrillic, Greek, Arabic, Devanāgarī, Hebrew, etc.)

The Tamil script is used to write the Tamil language, which is spoken in southern India, especially in the state of Tamil Nadu and in the Indian union territory of Puducherry, (as a co-official language), as well as in Sri Lanka and Malaysia as a minority language.  Tamil uses a script that dates back over 2500 years; it consists of vowels, consonants, and syllabic units which combine a consonant and a vowel in the same symbol.

Singapour writing systems
Singapour writing systems

English and Singlish

English is regarded as the most important language in Singapore. However, the variety of English normally used as a lingua franca in the country is not the "colonial English language" of British origin, but "Singapore English", a local variety of English based on British English with certain US influences.  This local English differs somewhat from the Standard English used in other countries. Except for Anglophones from the West (Great Britain, the US, Canada, Australia etc.), most English speakers in Asia have adopted Singapore English. In any event, Singapore English and Standard English are mutually intelligible without too much effort.

There is another variety of Singapore English which is very different from Standard English, called Singapore Colloquial English, or simply Singlish (a blend of Singapore and English). This lingua franca has maintained some of the tones of Hakka and Southern Min, developed a simplified morpho-syntactic system, and borrowed words from Mandarin Chinese, Malay, Tamil and other languages spoken in the archipelago.

The better educated Singaporeans are, the more they use Standard English. Conversely, the less educated Singaporeans are or when their L1 isn’t English, as a general rule they have a tendency to speak Singlish.  Thus most Singaporeans alternate systematically between a vernacular variety and a formal variety, depending on the communicative context.  Within the same ethnic group speakers use their L1; otherwise they use English, Singlish or Mandarin Chinese.

Individual bilingualism in Singapore

According to the 2010 census, 28.2% of Singaporeans are monolingual, mainly Chinese or English. Sixty-one percent of the population is bilingual, first Chinese-English followed by Malay-English.

Religions

A survey conducted in 2014 by the Pew Research Center (US) showed that Singapore is the most diverse country in the world when it comes to religion.  Buddhism (33.3%) and Christianity (18.3%) are the two dominant religions, followed by Islam (14.7%) and Taoism (10.9%). Hinduism is less common.

In Singapore, there is a relationship between religion, ethnicity and language.  The Chinese are Buddhists and Taoists (57%) although some are Christians (20%). Almost all Malays are Muslims (99%), as are a small number of Indians, and they speak Austronesian languages. Most Indians are Hindu (59%) and speak Dravidian (Tamil) or Indo-Iranian (Hindi, Urdu, Bengali etc.) languages.

La politique anglophile de Lee Kuan Yew

Lee Kuan Yew (1923-2015) est le plus célèbre homme d'État singapourien. Il a été le premier premier ministre de Singapour, le cofondateur et le premier secrétaire général du Parti d'action populaire (People's Action Party ou PAP), le fondateur de la cité-État de Singapour en 1963, etc. Décrit comme l'homme fort de Singapour, il a exercé une influence déterminante sur son pays durant plus d'un demi-siècle. Il est toujours resté une référence pour les Singapouriens, même après sa mort.

Lee est né à Singapour en 1923. Il parlait l’anglais comme langue maternelle; ses parents avaient été eux-mêmes éduqués en anglais, bien qu'ils aient été d'ascendance chinoise, principalement d'origine hakka. Lee a donc été élevé dans un milieu familial anglophone dès son jeune âge. Il a commencé à apprendre le chinois mandarin seulement en 1955 à l'âge 32 ans. Auparavant, il était ce qu'on appellerait un «analphabète chinois». Il a aussi appris le japonais en travaillant comme traducteur pendant l'occupation japonaise de Singapour. Il est néanmoins toujours demeuré un anglophone et un anglophile.

Lee Kuan Yew
Lee Kuan Yew

Lee Kuan Yew (1923-2015) fut premier ministre (en anglais: "Prime Minister") de Singapour de 1959 à 1990, c'est-à-dire de 36 à 67 ans. Il exerça ses fonctions de manière autoritaire et n'a toléré aucune opposition pendant plus de trente ans, puisqu'il conserva, après sa démission comme premier ministre, un poste de «ministre émérite» ("Senior Minister") et «ministre mentor» ("Minister Mentor") au sein du gouvernement, ce qui lui a permis de demeurer un «conseiller» très écouté jusqu'à son décès (à 92 ans).

Dès 1959, Lee Kuan Yew considérait l’anglais comme un outil d’unification des différents groupes ethniques du pays, dont la population était constituée d’une majorité de Chinois et de minorités malaises et tamoules. Pour lui, l'anglais paraissait plus neutre que le chinois pour réduire les tensions ethniques et linguistiques. Lee décida donc de conserver l’anglais plutôt que le chinois comme langue principale afin de maximiser aussi les avantages économiques dont cette langue pouvait bénéficier.

Lee Kuan Yew imposa ses objectifs au gouvernement et aux citoyens de son pays. Il lui paraissait plus aisé d'unifier un pays multilingue par une langue étrangère plutôt que par une langue indigène en rivalité avec d'autres. L'objectif du premier ministre était de niveler les langues indigènes en situation de concurrence par l'anglais.

amais les autorités n'ont employé le terme «langue» pour désigner les variétés de langues chinoises, sauf pour le mandarin; le qualificatif utilisé fut toujours le mot «dialecte». Or, ces variétés chinoises sont aussi des langues au même titre que le mandarin, mais elles ne bénéficient d'aucun statut avec comme conséquence qu'elles ont toujours connu un fort déclin, surtout à partir de 1979, notamment en raison des campagnes "Speak Mandarin".

Dans le cadre de ces campagnes de promotion, toutes les émissions à la radio et à la télévision qui diffusaient en «dialectes chinois» ont été interdites. Vers la fin des années 1980, le mandarin avait réussi à remplacer ces «dialectes chinois» dans la plupart des lieux publics. Bref, tous les efforts du gouvernement ont misé sur l'importance de l'anglais standard et du mandarin par rapport aux autres langues au point où beaucoup de citoyens ont parlé de ségrégation et non de promotion.

"Speak Mandarin" campaigns.

En novembre 1990, M. Goh Chok Tong est devenu le deuxième premier ministre de Singapour (de 1990 à 2004), en remplacement de Lee Kuan Yew, mais ce dernier demeura un membre influent de son cabinet en occupant le poste de ministre principal ("Senior Minister") et plus tard ministre mentor ("Minister Mentor"). Lee encouragea son successeur à entreprendre de nouvelles campagnes linguistiques afin de promouvoir le «bon anglais» pour mettre un frein à la propagation du singlish, dont la forme peu prestigieuse faisait et fait encore peur au gouvernement. C'est parce que le singlish fait concurrence à l'anglais que les autorités font depuis des années des campagnes d'information dont il a le secret avec des messages du genre "Speak Good English"(«Parlez le bon anglais») ou "Speak Well. Be Understood"(«Parlez [l'anglais] correctement, soyez compris»), de façon à minimiser l'importance grandissante du singlish. Dans les années 2000. le gouvernement singapourien a relancé le mouvement "Speak Good English", sans grand succès, il faut l'avouer. Loin de régresser, le singlish continue de prospérer.

Speak Good English

Ainsi, le malais a le double statut de langue officielle et de langue nationale en raison de la proximité de la cité-État avec le monde malais. En effet, Singapour est enclavé complètement par la Malaisie et l'Indonésie, deux pays dont la langue officielle est le malais, d'une part, le «malais malaisien» (Bahasa Malaysia), d'autre part, le «malais indonésien» (Bahasa Indonesia). Le statut de langue nationale est strictement symbolique; son seul avantage est que l'hymne national, «Majula Singapura», est chanté dans cette langue. En tout état de cause, le fait d'avoir quatre langues officielles ne signifie pas nécessairement que toutes ces langues soient à égalité dans les faits; il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres.

Contrairement au Canada fédéral qui a adopté la Loi sur les langues officielles(1988) accordant à l'anglais et au français un statut égal, Singapour n'a jamais rédigé une quelconque loi sur le bilinguisme ou le quadrilinguisme. Les autorités se sont contentées de l'article 153A de la Constitution pour la reconnaissance des quatre langues officielles. Tout au plus, les divers gouvernements successifs ont fait adopter une quinzaine de lois non linguistiques avec une ou deux articles à portée linguistique concernant la procédure criminelle, les sociétés ou compagnies, le contrôle des prix, les valeurs mobilières et les contrats, les fiducies commerciales, les brevets d'invention, les banques, etc.

Les langues de la législation

Les langues admises dans les débats parlementaires sont l'anglais, le mandarin, le malais et le tamoul. C'est d'ailleurs ce que reconnaît la Constitution dans son article 44. En pratique, la langue la plus utilisée par les parlementaires demeure l’anglais qui est suivi de près par le mandarin, puis plus rarement (comprendre «occasionnellement») par le malais et le tamoul.

Si les représentants des citoyens acceptent dans les faits les quatre langues dans les débats oraux, seul l’anglais demeure la langue de la rédaction et de la promulgation des lois. Le système de traduction simultanée adopté au Parlement ne sert qu’à passer du chinois, du malais ou du tamoul vers l’anglais. Comme il n'y a pas de traduction de l'anglais vers les autres langues, cela suppose que tous doivent connaître l'anglais. On peut constater que ce système est différent de celui en vigueur au Canada, car la traduction simultanée se fait dans les deux sens, c'est-à-dire de l'anglais vers le français et du français vers l'anglais. La connaissance de l'anglais devint obligatoire pour les parlementaires de Singapour, car le bilinguisme ne vaut que pour transiter vers la «super-langue».

Les langues en matière de justice

Du fait qu'il existe quatre langues officielles à Singapour, n'importe quel citoyen a le droit de demander un procès dans la langue de son choix: en anglais, en mandarin, en malais ou en tamoul. Cependant, il est plus aisé de fournir des documents en quatre langues que de demander à un juge de connaître ces mêmes langues. Tous les juges sont tenus de connaître l’anglais parce que c’est la langue dans laquelle sont rédigées les lois. Beaucoup de juges sont capables de s'exprimer aussi en chinois, parfois en malais, rarement en tamoul. Lorsqu'un procès est bilingue et qu'il implique une autre langue que l’anglais (p. ex., mandarin-malais), on fait intervenir un juge pouvant s’exprimer dans ces deux langues. Dans les cours d’appel, l’anglais est généralement la seule langue utilisée. Dans tous les cas, on fait appel à un interprète s'il y a un problème.

Dans les faits, l'anglais et le malais sont les langues les plus utilisées dans les tribunaux inférieurs. Pour les tribunaux supérieurs, c'est l'anglais, mais les traductions en chinois et en tamoul constituent une procédure normale.

Les langues de l'administration

Le quadrilinguisme étant proclamé dans la Constitution, l'administration gouvernementale utilise les langues officielles dans ses relations avec les citoyens, mais la tendance est de privilégier l’anglais et le mandarin. Cependant, tout citoyen peut exiger qu’on lui réponde, tant à l’oral qu'à l’écrit, dans la langue de son choix. Si tous les services administratifs offrent des services dans les quatre langues officielles, les pratiques réelles font en sorte que le malais et le tamoul sont souvent laissés pour compte au profit de l'anglais et du chinois. En effet, la plupart des ministères et des agences de l’État se contentent de diffuser les documents officiels en anglais, bien que sur demande ceux-ci peuvent être rendus dans la langue de la requête. Afin d'avoir une certaine idée de la procédure habituelle, il suffit de lire cet extrait de la Loi sur les fiducies commerciales de 2004 (en anglais : Business Trusts Act):

Article 99 [traduction non officielle]

 

Traduction officielle des documents

3) Lorsqu'un individu est dans l'obligation de préserver ou de conserver les comptes, les registres ou tout autre dossier en vertu de la présente loi, alors que ces documents ou une partie de ceux-ci ne sont pas tenus ou disponibles en anglais, celui-ci doit:

(a) produire une traduction exacte des comptes, des registres ou de tout autre dossier ou une partie de ceux-ci en anglais, traduction devant être faite dans un délai n'excédant pas sept jours;

(b) préserver ou conserver la traduction avec les comptes, les registres ou tout autre dossier aussi longtemps que ces documents sont exigés en vertu de la présente loi pour être préservés et conservés.

Cette exigence de produire une traduction en anglais est présente dans plusieurs lois, bien que le chinois, le malais et le tamoul soient aussi des langues officielles. Cette disposition est très significative, car elle témoigne de l'importance de l'anglais dans le pays.

L'unilinguisme des affiches n'est pas la règle, sauf pour les édifices publics identifiant un ministère ou un organisme gouvernemental, alors que seul l'anglais apparaît. Le bilinguisme dans l'affichage est fréquent, mais il s'agit toujours de l'anglais avec une autre langue, normalement avec le chinois, rarement avec le malais ou le tamoul.Dans beaucoup de panneaux routiers, le quadrilinguisme est de mise, mais l'anglais est toujours en position dominante.

On trouve d'abord la version anglaise (Merlion Park) qui est suivie, de haut en bas, du chinois (魚尾獅公園), du malais (Taman Merlion) et du tamoul (மெர்ரியன் பார்க்) ou parfois du japonais (マーライオンパーク). Le paysage linguistique de Singapour n'est pas caractérisé par un quadrilinguisme généralisé, mais par la langue anglaise omniprésente et exclusive lorsqu'il s'agit des ministères et des agences du gouvernement.

Les dispositions constitutionnelles

Force est de reconnaître le poids considérable de Lee Kuan Yewdans l'histoire récente de Singapour. Cette petite république est le seul pays au monde à avoir adopté quatre langues officielles avec l'anglais, le chinois, le malais et le tamoul. L'un des rares autres États à être aussi multilingue demeure sans nul doute la province serbe de la Voïvodine avec six langues (serbe, hongrois, slovaque, roumain, croate et ruthène). Les quatre langues officielles de Singapour, dont le statut découle des directives du premier ministre Lee, sont identifiées dans la Constitutionde 1965, laquelle a été modifiée de nombreuses fois. C'est l'article 153A qui proclame le statut officiel des quatre langues, tout en précisant que le malais constitue «la langue nationale» :

Article 153A (traduction non officielle)

Langues officielles et langue nationale

1) Le malais, le mandarin, le tamoul et l'anglais sont les quatre langues officielles de Singapour.

2) La languenationale est le malais et elle est en alphabet romain :

Pourvu que :

(a) nul ne soit interdit ou empêché d'employer ou d'apprendre une autre langue; et

(b) rien dans le présent article ne porte atteinte au droit du gouvernement de préserver et de soutenir l'usage et l'étude de la langue de toute autre communauté de Singapour.

Merlion Park