La Suisse et le Canada ont des points communs. Ce sont deux pays décentralisés, avec plus d'une langue officielle.

Droits territoriaux en Suisse (sous le régime des cantons souverains)

La Suisse forme aujourd'hui une république fédérale composée de 23 cantons : elle est appelée officiellement Confédération suisse(mais avant le 18 avril 1999 : la « Confédération helvétique »). Le Canada est une monarchie constitutionnelle formée de 10 provinces et de trois territoires. Le Canada porte le nom officiel de Confédération canadienne. Les 23 cantons suisses sont l'équivalent des provinces canadiennes, sauf qu'ils constituent des États souverains, la Suisse étant une confédération, le Canada, une fédération. Comme dans le cas des provinces du Canada, chacun des cantons suisses dispose de son parlement, de son système judiciaire, de sa fonction publique, etc.

De plus, chacun des cantons suisses a choisi une ou plusieurs langues officielles. Pour ce qui est des cantons officiellement unilingues, on compte 14 cantons allemands (Bâle-Ville et Bâle-Campagne, Solothurn, Aargau, Luzern, Unterwald, Uri, Glarus, Zoug, Schwyz, Zürich, Thurgau, Schaffhausen, Saint-Gall, Appenzell), quatre cantons français (Genève, Vaud, Neuchâtel et Jura), un canton italien (Ticino). Les cantons bilingues allemand-français sont Berne/Bern, Fribourg/Freiburg, Valais/Wallis. Seul le canton des Grisons est trilingue : allemand, italien et romanche. C'est pourquoi la Suisse porte officiellement quatre noms: Suisse(fr.), Schweiz (all.), Svizzera (ital.) et Svizra (romanche).

Site web de référence

Repartition des langue en suisse

Cantons bilingues

Les cantons de Fribourg, du Valais et de Berne sont les trois cantons officiellement bilingues de la Confédération. Les langues officielles des trois cantons sont l'allemand et le français. Toutefois, c'est le principe de la territorialité qui prévaut : les langues ne se mélangent pas sur le territoire cantonal. Aucun canton bilingue ne reconnaît l'allemand et le français partout sur son territoire, même pas dans un district.

Au Parlement cantonal, les députés s'expriment dans la langue de leur choix : l'allemand, le suisse alémanique ou le français. De façon générale, les lois sont discutées en suisse alémanique (Berne) ou en français (Valais et Fribourg), rédigées en allemand ou en français, mais promulguées à la fois en allemand et en français. Dans tous les autres domaines (justice, éducation, administration, etc.), c'est la langue du district qui prévaut. Néanmoins, l'Administration cantonale basée dans les trois capitales (Berne/Bern, Fribourg/Freiburg, Sion/Sitten) répond en principe dans la langue du citoyen.

Billingual Cantons

Canton trilingue des Grisons

L'allemand, l'italien et le romanche sont les trois langues officielles du canton des Grisons. Le canton des Grisons se distingue de tous les autres cantons par le fait que les autorités cantonales ont délégué leur juridiction en matière de langue aux communes. Ainsi, l'emploi des langues dans les Grisons est régi par les administrations communales (Gemeinden) et le fameux principe de la territorialité des langues n'est pas appliqué intégralement. C'est que le canton des Grisons n'a jamais garanti, ni dans sa constitution ni dans une loi, l'immutabilité du territoire romanche. C'est le seul canton de toute la Suisse à avoir agi ainsi. En somme, seules les communes sont compétentes pour déterminer leur langue officielle (administrative) et scolaire.

Le canton des Grisons compte 212 communes, dont 138 sont officiellement allemandes (65 %), 49 officiellement romanches (23,1 %) et 25 italophones (11,7 %). L'unilinguisme allemand s'impose sans difficulté dans les communes allemandes, mais l'unilinguisme italien s'applique avec moins de succès dans les communes italiennes et romanches. Quant à l'unilinguisme romanche, il a fait place au bilinguisme romanche-allemand.

Canton de Grisons

Au Parlement cantonal, les trois langues sont permises, mais l'allemand y est nettement prépondérant avec plus de 80 % des interventions. La langue allemande et surtout le suisse allemand sont les langues des débats parlementaires, les interventions en italien et en romanche demeurant rarissimes. Les procès-verbaux des délibérations ne sont tenus qu'en langue allemande. En principe, les lois sont rédigées en allemand, puis traduites en italien et parfois en romanche (pour les lois les plus importantes).

En général, l'Administration cantonale fonctionne en allemand, de même que les tribunaux. Néanmoins, l'Administration cantonale répond aux requêtes dans la langue utilisée par le requérant dans la mesure où il s'agit d'une des trois langues officielles du canton. Il existe des écoles allemandes, des écoles italiennes et des écoles romanches.  L'enseignement d'une langue seconde est obligatoire : c'est l'italien (ou le français) dans les écoles allemandes, l'allemand dans les écoles italiennes et romanches. Ce sont les communes qui décident de la langue d'enseignement. Les germanophones résidant dans les communes romanches suivent leurs cours en allemand, mais ils sont néanmoins soumis à un apprentissage du romanche comme langue seconde, alors que les Romanches doivent passer à un apprentissage progressif de l'allemand langue seconde.

En pratiquant la séparation territoriale des langues, la Confédération suisse a su préserver les différentes communautés linguistiques et éviter les conflits linguistiques. La Suisse demeure l'un des rares pays où il est possible d'appliquer l'unilinguisme territorial parce que les langues nationales ne sont pas réparties sur l'ensemble du territoire. On constate qu'une telle solution serait plus délicate à appliquer au Canada dans la mesure où les langues officielles, dans de nombreux cas, sont dispersées sur l'ensemble du territoire.

Le modèle canadien permet une certaine protection pour les petites minorités de langue officielle, alors que le modèle suisse les exclut du système. Rappelons que le romanche en Suisse ne jouit pas tout à fait du même statut que les autres langues. C'est pourquoi le gouvernement fédéral a dû intervenir pour remédier à la situation, car l'interventionnisme fédéral en matière linguistique demeure un cas très rare en Suisse. Le sort du romanche était particulièrement visé du fait qu'il semblait délaissé par ceux-là qui devraient s'en préoccuper le plus, les autorités cantonales des Grisons.

Malgré les inévitables ratés du modèle suisse, il est clair que la coexistence pacifique de plusieurs groupes linguistiques au sein d'un même État constitue l'une des réussites du pays. Les grands succès du genre sont rares. Mais il y a un prix à payer à la pax helvetica, c'est celui d'être gouverné par une majorité allemande, par des hommes politiques, des chefs d'entreprise, des fonctionnaires qui pensent et ordonnent en suisse alémanique, tous préoccupés à gérer leur prospérité économique.