Politique linguistique de non-intervention – Colombie Britannique

Aperçu

Date d'entrée dans la Confédération: 20 juillet 1871
Capitale: Victoria
Population: 3.8 millions (2001)
Langue officielle: Anglais (de facto)
Groupe majoritaire: Anglais (74.1%)
Groupes minoritaires: Français (1,5%), autres langues (24,3%)
Lois linguistiques: Circulaire de politique générale no. 96-12 du 26 août 1996 (programme d'immersion en français); School Act, RSBC 1996, c. 412.

British Columbia flag

Au gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, le français ne possède aucun statut officiel, pas plus que l'anglais d'ailleurs. En effet, la province n'a jamais légiféré en matière de langue et aucune loi n'a été effectivement adoptée, sauf que des dispositions ponctuelles d'ordre linguistique peuvent avoir été adoptées dans certaines lois. Cependant, même si l'anglais n'est pas reconnu juridiquement comme langue officielle, il a acquis, comme dans la plupart des provinces anglaises, ce statut dans les faits.

La Colombie-Britannique n'est pas soumise aux dispositions de l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour ce qui touche le Parlement provincial et les tribunaux. D'ailleurs, en 1986, la Cour d'appel de la province a même statué sur cette question en ce qui concerne la Loi constitutionnelle de 1982; selon la Cour, les articles 16 à 22 de la Charte canadienne (relatifs à la langue des débats et de la rédaction des lois) ne s'appliquent pas à cette province, ce qui signifie que l'on ne peut exiger d'utiliser le français dans les débats du Parlement et dans la rédaction des lois. Cependant, un député francophone peut employer le français s'il y tient, mais aucun service de traduction simultanée ne lui sera fourni.

En ce qui a trait aux services provinciaux en français, ils demeurent symboliques. La province n’a, pour sa part, aucune obligation de donner des services en français. Seul le Bureau des affaires francophones du gouvernement de la Colombie-Britannique peut offrir des informations concernant la santé, le développement économique, la justice et les services sociaux. Même les représentants de l'Inter-Cultural Association of Greater Victoria estiment que le gouvernement de la province fait peu pour les francophones: «Je ne connais personne qui parle français au sein de ce gouvernement. Si un Québécois s'adresse à l'assurance-maladie ou quelque autre service, on l'envoie à notre association.» De plus, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique donne un certain nombre de renseignements en ce qui concerne le gouvernement provincial, mais ce n'est pas elle qui offre les services. Quoi qu'il en soit, la documentation n'est offerte qu'en anglais; il n'y a même pas de procédure prévue pour les services de traduction, qui sont à peine existants. Une enquête CROP (1983) révélait que moins de 3 % des francophones ont ou obtenir des services en français dans cette province; aucun changement n'est survenu depuis.

Le français n'est utilisé au Parlement que comme privilège, non comme un droit. Dans les cours de justice de juridiction civile, il est possible tout au plus d'exiger la présence d'un interprète. Les dispositions relatives au Code criminel canadien ne sont entrées en vigueur qu'en 1990. En janvier 1996, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique a publié un rapport critiquant le système de justice pénale de la Colombie-Britannique. L'étude (L'accès à la justice en français en Colombie-Britannique: les obstacles institutionnels et systématiques) concluait que les services en français n'étaient pas facilement accessibles et que des mesures s'imposaient dans trois secteurs: sensibilisation du système de justice pénale aux droits de la minorité linguistique, promotion des droits de la minorité linguistique et présence de personnel francophone au sein du système.

L'éducation

En fait, les seuls droits réels accordés aux francophones se limitent à l'éducation. L'enseignement du français est permis au primaire; au secondaire, il est très difficile, sinon impossible, de réunir des élèves en nombre suffisant pour donner en français. Depuis 1979, le gouvernement provincial permet l'enseignement du français de la maternelle à la septième année. En vertu de l'article 23 de la Charte des droits et libertés, tous les districts scolaires sont tenus d'offrir un enseignement en français là où se trouvent 10 enfants francophones ou plus.

En 1986, on comptait moins de 500 élèves dans les classes françaises réparties en trois écoles. Cet enseignement n'est offert qu'aux seuls francophones ayant leur citoyenneté canadienne, mais il est ouvert aux anglophones qui veulent apprendre le français. Les cours destinés aux francophones connaissent un succès phénoménal auprès des anglophones: il y a 40 fois plus d'élèves anglophones inscrits que de francophones. En 1989, on comptait 21 000 enfants de la Colombie-Britannique inscrits en immersion française dont 2000 francophones. En 1992, il n'existait encore aucune conseil scolaire francophone, mais le gouvernement provincial a manifesté son intention de remédier à ce problème dans un avenir rapproché. Le quotidien The Province a demandé à ses lecteurs si le gouvernement devait accorder le contrôle des écoles françaises à des francophones; selon ce sondage non scientifique, 75 % ont alors répondu NON.

Heureusement, un rapport du ministère de l'Éducation (1992) proposait une nouvelle loi scolaire et la création de trois conseils scolaires pour 1994: un à Vancouver, un autre à Nanaïmo et un troisième à Prince George. Toutefois, à l'automne 1994, le gouvernement de la Colombie-Britannique refusa de permettre aux francophones d'exercer le droit de gestion de leurs écoles conféré par la Charte canadienne des droits et libertés, forçant ainsi les parents francophones à se porter devant les tribunaux pour obtenir gain de cause. En 1996, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a assermenté les premiers conseillers du Conseil scolaire francophone (CSF), formé en juillet 1995 en vertu d'un règlement d'exécution de la loi scolaire.

Mais, le 14 août de la même année, la cour a invalidé le règlement qui établissait le Conseil scolaire francophone. Dans son jugement, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a déclaré que le gouvernement provincial avait dérogé à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Il a donné au gouvernement un délai pour légiférer en vue de l'établissement d'une structure de gestion scolaire conforme aux exigences établies. Le gouvernement avait prétendu détenir la compétence voulue pour adopter le Règlement sur l'éducation francophone (Francophone Education Regulation) et avait invoqué l'article 5 de la loi intitulée School Act, qui prévoit dans son paragraphe introductif que chaque élève a le droit de recevoir une éducation en langue anglaise.  Voici l'article 5 (le seul) de la Loi scolaire de 1996 concernant la langue d'enseignement :

Article 5 (traduction)

Langue d'enseignement

  1. Chaque élève a droit de recevoir un programme éducatif dispensé en langue anglaise.
  2. Les élèves dont les parents ont le droit, selon l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, de faire instruire leurs enfants dans une autre langue que l'anglais ont droit de recevoir cette instruction.
  3. Soumis à l'approbation du ministre, un conseil scolaire peut permettre à un programme éducatif d'être fourni dans une autre langue que celle prévue aux paragraphes 1 et 2.
  4. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut prévoir des règlements:

    (a) en respectant les dispositions sur les programmes éducatifs en d'autres langues que l'anglais,

    (b) en donnant effet à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, et

    (c) en déterminant la façon par laquelle le pouvoir, le devoir ou la fonction d'un conseil scolaire peut être exécuté ou exercé selon cette loi en ce qui concerne les élèves mentionnés dans le paragraphe 2.

  5. Pour les buts visés au paragraphe 4, le lieutenant-gouverneur en conseil peut prévoir des règlements différents en fonction des diverses circonstances.

En 1996, le ministère de l’Éducation publiait la circulaire no 96-12 relative au programme d’immersion en français. Le gouvernement provincial estime que le programme d'immersion en français favorise le développement social et intellectuel des élèves et leur fournit un atout sur le plan de l'avancement professionnel. L’objectif est de donner à des élèves non francophones l'occasion de devenir bilingues, c'est-à-dire de pouvoir communiquer efficacement en français et en anglais. Pour former des élèves bilingues, l'enseignement du programme d'études de base doit être dispensé entièrement en français durant les premières années de la scolarité. Une fois que les élèves possèdent de solides connaissances en français, le programme English Language Arts est introduit et, au fil des années, l'enseignement en anglais est accru. Les élèves continuent de recevoir un enseignement en français pour certaines matières de sorte qu'au terme de leur 12e année, ils possèdent des compétences linguistiques dans les deux langues. Ainsi, la Colombie-Britannique, en proposant à sa minorité des cours de français, réussit à satisfaire aux exigences de l'article 23 de la Charte des droits et libertés; mais il s'agit bien en réalité de cours de français langue seconde, destinés avant tout à une majorité anglophone socio-économiquement aisée.

En Colombie-Britannique, la situation des francophones demeure précaire et leur présence tient plus du symbole que de la réalité. La politique linguistique de cette province correspond à une politique de non-intervention et les droits (scolaires) qui s'appliquent ont été imposés par la Constitution canadienne de 1982.