1. Le Canada et les traités internationaux

Au Canada, les lois canadiennes prévalent sur les traités signés par le gouvernement fédéral. Lorsqu'une loi et un traité se contredisent, il faut soit modifier la législation en vigueur soit ne pas signer la convention ou le traité. Les traités ne sont pas exécutoires (self-executing) au Canada, c'est-à-dire que les déclarations et conventions (traités) émises de la part des organisations internationales n'ont aucune force de loi au Canada, bien que certaines d'entre elles puissent refléter une loi en vigueur dans le pays.

Rappelons que le Canada est une fédération et que certains traités peuvent impliquer les provinces. Si des modifications à un statut juridique existant sont nécessaires pour respecter les engagements internationaux du Canada, la coopération volontaire des provinces est demandée. C'est que les changements aux lois provinciales ne sont pas automatiques, le gouvernement fédéral ne pouvant légiférer à la place des provinces dans leurs champs de compétence. En fait, les tribunaux se réfèrent aux lois provinciales en vigueur de façon à respecter le plus possible les engagements internationaux lorsque les conventions ou les traités internationaux ne se contredisent pas de façon évidente.

Dans la pratique courante, il faut noter que, depuis quelques années, le gouvernement fédéral ne signe plus de convention ou de traité s'il n'a pas obtenu préalablement l'accord de la province concernée, voire de toutes, si cela est nécessaire. Il arrive que l'application d'une convention ou d'un traité soit de juridiction provinciale, exclusive ou partielle. De plus, le gouvernement fédéral attend généralement qu'une province (ou plusieurs) modifie sa législation avant de signer la déclaration ou le traité. Dans l'éventualité où le représentant du gouvernement fédéral aurait signé une convention qui irait à l'encontre d'une loi provinciale, la convention ne s'appliquerait pas si la province concernée ne modifiait pas sa loi.

C'est un peu ce qui se passe en République fédérale d'Allemagne. Les Länder (l'équivalent des provinces au Canada) disposent de pouvoirs importants au sein de la Fédération, car le Bundesrat (ou « Chambre haute » : le Sénat au Canada) est formé des représentants des 16 États fédérés (au moins trois par Land). Or, l'accord du Bundesrat est obligatoire lorsqu'une loi fédérale touche « les intérêts des Länder » (fiscalité, impôt, taxes, administration régionale, etc.) ou porte sur la modification de la Constitution. Dans le cas particulier des les traités internationaux, même lorsqu'ils n'affectent pas « les intérêts des Länder », ces conventions exigent d'être adoptées par les deux chambres : par le Bundestag (ou « Chambre basse » : la Chambre des communes au Canada) et par le Bundesrat. On comprendra, par exemple, que l'adoption de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Convention-cadre pour la protection des langues minoritaires aient demandé l'accord du Bundesrat, ainsi que celui de chacun des Länder concernés. En somme, la situation du Canada en tant que fédération n'est pas exceptionnelle.

2. Les droits linguistiques et la protection internationale

3. Les droits des peuples autochtones dans le monde

OrganismeTitre
Année
Situation
contextuelle
Dispositions
linguistiques
Texte
Organisation internationale du travailConvention n107 relative aux populations aborigènes et tribales1957ExplicationLire art.
23 et 26
Texte intégral
Organisation internationale du travailConvention n169 relative aux peuples indigènes et tribaux1989ExplicationLire art.
28 et 30
Texte intégral
Organisation des Nations UniesDéclaration universelle des droits des peuples autochtones1993ExplicationLire art.
14, 15 et 17
Texte intégral
Organisation des États américainsProjet de déclaration interaméricaine relative aux droits des peuples autochtones1994licationLire art.
2, 7, 8 et 16
Texte intégral

4. Le concept des minorités nationales et le Conseil de l'Europe

L'organisation internationale du Conseil de l'Europe

Le Conseil de l'Europe est une organisation internationale dont le siège est à Strasbourg (France). Il a pour mission principale de renforcer et de respecter la démocratie, les droits de l'homme et l'état de droit dans l'ensemble de l'espace constitué par ses États membres . La défense et la promotion de ces valeurs politiques fondamentales constituent la préoccupation commune et collective de tous les membres, et elles ne relèvent plus des affaires intérieures d'un État.

Le statut d'observateur a été accordé au Canada le 3 avril 1996. Ce dernier participe aux accords partiels suivants : l'Accord partiel dans le domaine social et de la santé publique, l'Accord partiel relatif à la pharmacopée européenne et l'Accord partiel sur la Commission européenne pour la démocratie par le droit. Le Canada a aussi ratifié deux traités du Conseil de l'Europe : la Convention sur le transfert des personnes condamnées et la Convention contre le dopage. Le Canada a signé, sans les avoir ratifiés, quatre traités du Conseil de l'Europe; au total, il reste 11 traités que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a offert au Canada de signer. Aucun de ceux-ci n'avait de rapport avec la question linguistique.

L'article 3 du Statut du Conseil de l'Europe précise les contraintes liées au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Tout membre du Conseil de l'Europe reconnaît le principe de la prééminence du droit et le principe en vertu duquel toute personne placée sous sa juridiction doit jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il s'engage à collaborer sincèrement et activement à la poursuite du but défini au chapitre Ier.

Enfin, l'article 12 régit l'emploi des langues officielles au sein des organismes du Conseil de l'Europe :

Les langues officielles du Conseil de l'Europe sont le français et l'anglais. Les règlements intérieurs du Comité des ministres et de l'Assemblée consultative détermineront les circonstances et les conditions dans lesquelles d'autres langues pourront être utilisées.

La législation linguistique supranationale

Du point de vue linguistique, le Conseil de l'Europe est responsable de l'élaboration et de l'application de quelques traités internationaux, dont la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires de 1992 et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales de 1994. Ces deux traités se veulent des lois linguistiques s'appliquant plus ou moins intégralement à un ensemble de pays qui doivent choisir un minimum d'éléments dans le document. Dans le cas de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, seuls les États ayant ratifié la Convention sont tenus d'appliquer intégralement les dispositions retenues dans le traité au moment de la signature. Cependant, pour ce qui est de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, chaque pays peut se constituer une espèce de « charte à la carte », mais doit appliquer un minimum de 35 paragraphes ou alinéas choisis parmi les dispositions proposées. On pourrait, par exemple, imaginer un instrument supraprovincial similaire s'appliquant à toutes les provinces du Canada.

Les minorités nationales

Au sens de la Charte européenne, la notion de « langues régionales ou minoritaires » correspond à des langues « pratiquées traditionnellement sur un territoire d'un État par des ressortissants de cet État qui constituent un groupe numériquement inférieur au reste de la population de l'État ». Les langues minoritaires sont différentes de la ou des langues officielles d'un État et n'inclut ni les dialectes ni les langues des immigrants. Au Canada, l'expression « minorités nationales » n'existe pas, car la loi ne reconnaît pas de « minorités linguistiques canadiennes », mais plutôt des « minorités linguistiques provinciales ».  Rappelons que le Canada est une fédération, tandis que les provinces demeurent des autorités incontournables en matière de protection linguistique.

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales imposent des contraintes assez sévères aux États membres ayant signé et ratifié ces traités, car ils doivent alors s'engager à respecter leurs minorités nationales. Dans certains cas, ces conventions peuvent servir de politique linguistique à un État membre.

Au choix:

Charte européenne des langues régionales ou minoritaires

États ayant ratifié la Charte :

Allemagne, Arménie, Autriche, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Finlande, Hongrie, Liechtenstein, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.

Convention-cadre pour la protection des minorités nationales

États ayant ratifié la Convention :

Albanie, Allemagne, Arménie, Autriche, Azerbaïdjan, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Géorgie, Grèce,Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Macédoine, Malte, Moldavie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Roumanie, Russie, République tchèque, Royaume-Uni, Saint-Marin, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Ukraine.