AÉDF's 2023 Writing Contest

Faculty of Arts
Département de français
Francophonie
Books and literature
guy with a cap writing
Every year, the Association des étudiants.e.s du Département de français (AÉDF) organizes a writing contest that gives undergraduate students in the Département de français the opportunity to showcase their talent as writers. The themes and genres can vary, allowing everyone to participate and give free rein to their creative impulses. A prize is awarded to the three texts that stand out the most in the eyes of the jury.

*Content only available in French*

Cette année, les membres de l’AÉDF ont proposé aux étudiant.e.s d’écrire une nouvelle littéraire sur le thème de l’oubli. Ils et elles devaient respecter les exigences formelles du genre de la nouvelle, en plus de se restreindre à écrire entre 1000 et 1500 mots. Nous vous présentons ici les trois gagnant.e.s du concours d’écriture de 2023 !

Mounira Khoris, Lucie Laby, Audrey Lévesque et Camille Pham, les quatre membres du jury, félicitent les trois lauréat.e.s et remercient tou.te.s les participant.e.s! 

Première position

Lila Ndinsil – Lettres françaises  
Pratique générale 

Ouvre les yeux. Tourne-toi vers ton cellulaire. Éteins l’alarme. Reste couchée quelques secondes. Regarde le plafond. Profite de ce moment. Rappelle-toi de cette sensation. Tourne la tête pour voir la place vide à côté de toi. Aujourd'hui, c’est le jour J. Lève-toi. Plis la couverture et mets-là dans la valise et mets la valise avec les autres valises.  

Appelle ta mère pour lui dire que tu es réveillée et que tu vas bien. Résiste à la tentation de soupirer lorsqu’elle te demande pour la 16e fois si tu te sens prête. Écoute. Dis oui au moment approprié. Dis non au moment approprié. Respire. Promets de rappeler plus tard. Raccroche. Va aux toilettes. Brosse tes dents. Prends une douche. Sèche ton corps. Habille-toi. Place ta serviette mouillée dans un sac et place le sac dans une des valises à l’entrée. Va dans la cuisine vide pour manger les deux tranches de pain qu’il reste. Déjeune pendant que tu appelles ta sœur. Elle passera dans quinze minutes. Sois prête. Appelle-le pour voir comment il va. Dis-lui que tu vas bien. Ris à sa blague, mais pas trop fort sinon tu auras l’air nerveuse. Dis-lui que tu as hâte de le voir. Sois convaincante. Raccroche. Prépare ton sac. Trousse de maquillage, épingles à cheveux, vêtements de rechange. Place le sac sur la pile de valises à l’entrée. Contemple l’appartement silencieux, les murs dénudés, les pièces évacuées. On sonne à la porte.  

Va ouvrir. Souris avec les dents quand tu vois ta soeur. Enlace-la. Pas trop longtemps, car il faut se mettre au travail. Embarque les valises dans son camion. Ne mets pas trop d’efforts, sinon tu risques de transpirer et d’avoir à te laver à nouveau. Laisse-la prendre les plus lourdes. Cligne des yeux. Prends une pause après avoir embarqué la dernière valise. Dis au revoir à la maison que tu ne reverras plus. Ferme la porte à clé et ne te retourne pas. Respire. Fais attention à tes paroles dans la voiture. Parle juste assez pour avoir l’air excitée, pas trop pour trahir ta nervosité. Regarde par la fenêtre. Souris sans montrer les dents. Dis que tu as hâte. Prononce les mots que tu as déjà pratiqués. Appelle ta mère. Dis-lui que tu es en route. Rassure-la que vous arriverez à temps, et que oui, tu es prête. Raccroche.  

Entre dans la chambre d’hôtel réservée pour vous. Salue les femmes qui s’y trouvent déjà. Souris, comme tu as pratiqué. Hoche la tête quand on te parle. Cligne des yeux, mais pas trop souvent, sinon tu auras l’air de pleurer. Respire. Change-toi pour revêtir la robe de chambre en satin qui t’est réservée. Assieds-toi où on te le dit. Écoute les conversations. Réponds quand on te parle. Prends des photos avec les autres femmes qui se préparent. Ferme les yeux pour que la maquilleuse puisse faire son travail. Ouvre-les quand c’est le temps. Reste immobile. Tourne la tête seulement quand on te le demande. Admire son travail lorsqu’elle te présente un miroir. Rappelle-toi du compliment que tu dois lui faire. Dis-lui que c’est très beau. Souris à pleines dents. Fais de même avec la coiffeuse lorsqu’elle termine son travail.  

Suis ta mère qui t’aidera à enfiler ta robe. Enlace-la lorsqu’elle se met à pleurer. Rassure-la que tout va bien se passer. Cligne des yeux deux fois. Parle-lui d’une voix douce, comme tu as pratiqué. Recule lorsque tu vois qu’elle va mieux. Change-toi. Écoute-la parler du passé, lorsqu’elle était à ta place. Souris avec elle de manière nostalgique. Hoche la tête. Respire. Admire ton reflet dans le miroir. Enlace ta mère à nouveau lorsqu’elle se remet à pleurer. Prends une photo avec elle. Prends des photos avec les autres femmes. Hoche la tête et souris timidement lorsqu’elles te complimentent sur ta beauté. Répète les phrases que tu as répétées à la maison. C’est le temps de partir. Prends tes affaires. Sors de l’hôtel. Entre gracieusement dans la limousine qui t’attend à l’entrée et assouplis ta robe avant de t’asseoir. Tiens le bouquet sur tes genoux sans l’abîmer. Envoie-lui un message pour l’aviser que tu es en route. Redonne ton cellulaire à ta mère qui le gardera pour toi. Cligne des yeux. Souris. Écoute les conversations. Lorsqu’on ne te parle pas, révise dans ta tête les quatre mots que tu devras prononcer. Ne les oublie pas.    

Attends le signal. Respire. Entre. Souris, mais sans montrer les dents, comme tu as pratiqué. Regarde vers le bas. Marche. Plus lentement. Suis le rythme. Tiens bien l’avant-bras de ton père. Pas trop fermement. Juste assez pour qu’il sente que tu es là. De l’autre main, tiens le bouquet. Cligne des yeux, puis attends un peu avant de cligner à nouveau. Continue tout droit. Mets en sourdine les cris et acclamations des invités. Reste concentrée. Accélère juste un peu, c’est bon. Avance vers lui en gardant la tête baissée. Place-toi à côté, pas trop proche. Quatre pouces de distance. Garde les fleurs au niveau du ventre. Respire lentement. Cligne des yeux deux fois. Le pasteur vous parle. Assieds-toi. Doucement, ne t’affaisse pas sur la chaise. Fais attention à la robe. Passe la main derrière toi pour l’assouplir. Pose les fleurs sur tes cuisses et continue de les tenir. Lève la tête. Ne bouge plus. Cligne des yeux. Souris, mais un peu moins pour montrer ton sérieux. Respire. Résiste à la tentation d’essuyer tes mains moites sur ta robe. Écoute. Ne gratte pas ton épaule, même si elle te démange. Ne le regarde pas, ce n’est pas encore le moment. Hoche la tête maintenant. Encore une fois. Le pasteur a terminé et vous instruit de vous lever. Lève-toi. Il vous dit de vous regarder. Tourne-toi pour lui faire face. Garde la tête baissée, mais lève un peu les yeux. Un peu plus… voilà. Élargis ton sourire, mais ne montre pas encore tes dents. Tiens les fleurs contre ton ventre. Suis les directives.   

Le pasteur s’adresse à l’homme. Il lui rappelle son engagement et lui demande s’il est prêt à l’honorer. L’homme répond à l’affirmative. Demeure calme lorsque la foule s’excite. Garde les yeux fixés sur lui. Ne serre pas trop le bouquet. Ignore ton cœur qui tambourine contre ta poitrine. Tourne ton regard vers le pasteur lorsqu’il se tourne vers toi. Écoute ce qu’il dit. Il répète le même discours. Attends le bon moment. Il s’arrête de parler. C’est à toi.  

Réponds.  

Réponds! 

RÉPONDS!  

Trou de mémoire. 

Deuxième position

Audrey Sigouin – Lettres françaises
Exercice de conjugaison 

Virginie Bernier adorait son emploi. Son poste d’enseignante dans une classe de cinquième année à l’école des Trois-Monts lui donnait envie de se lever le matin. Ses élèves ne cessaient de l’impressionner. Âgés entre dix et onze ans, ces jeunes arrivaient toujours à la surprendre par leur ingéniosité, leur intelligence et même parfois leurs bêtises. Il était toujours fascinant pour elle de rencontrer les hommes et les femmes qui avaient créé chaque fossette, chaque sourire et chaque grain de beauté sur les visages de ses élèves.  

L’enseignante avait justement eu une de ces réunions avec les parents le soir d’avant. Assise à son bureau ce matin, elle repensait à un événement qui lui avait laissé une impression étrange. Elle avait dû rencontrer la mère de Sibylle, une de ses élèves éprouvant le plus de difficulté. Elle adorait Sibylle. Malgré ses piètres résultats scolaires, la jeune fille était un rayon de soleil. Virginie se demandait si, justement, Sibylle ne se perdait pas trop dans ses pensées féériques en regardant le soleil à travers la fenêtre pendant qu’elle donnait ses leçons. Elle devait en informer sa mère, Mme Ducharme, car la situation était problématique et Sibylle risquait d’échouer son année scolaire.  

Lorsque Mme Ducharme était entrée dans sa classe, l’enseignante avait été subjuguée par l’élégance de cette femme. Tailleur ajusté, chemise sans un pli, cheveux coupés carré, ses talons claquant sur le sol de béton. Elle la dépassait d’au moins trente centimètres et un air sévère était cloué sur son visage. Virginie avait eu du mal à associer l’image que lui projetait cette femme à celle de sa petite Sibylle. Elle s’était brièvement levée de sa chaise pour serrer la main de la mère. C’était son avant-dernière rencontre de la soirée. Virginie commençait à être fatiguée après les quelques heures passées à répéter les mêmes phrases préfaites à des parents plus ou moins intéressés par le rendement scolaire de leurs enfants. 

Mme Ducharme consultait régulièrement son téléphone cellulaire et répondait à ses messages, le sourire en coin, pendant que l’enseignante tentait de lui expliquer la situation de sa fille. Ses yeux effleuraient à peine Virginie avant de retourner sur son téléphone. Lorsqu’elle lui dit que sa fille risquait d’avoir à recommencer son année si ses résultats ne s’amélioraient pas, sa tête se leva enfin pour la regarder droit dans les yeux. 

– Pardon ? C’est impossible. Sibylle ne peut pas se permettre de doubler son année. Je ne veux pas qu’elle perdre son temps à revoir de la matière qu’elle maîtrise déjà, lui dit Mme Ducharme. 

Par la suite, les deux femmes avaient discuté longuement des solutions qui se présentaient pour que Sibylle rattrape ses lacunes dans le but de mieux performer lors des prochains examens. Elles s’étaient laissées vers 20h30, juste à temps pour sa dernière rencontre avec un autre parent. 

Le dernier parent reparti, Virginie avait accompli quelques tâches administratives en lien avec ses rencontres avant d’éteindre son ordinateur et de se diriger vers la sortie. Elle s’était dit qu’elle irait voir si son mari, enseignant dans une classe de sixième année à l’étage supérieur, avait lui aussi terminé ses rencontres. En arrivant près de sa classe, elle avait entendu des rires. Au même moment, elle avait vu Mme Ducharme en sortir, suivie de son mari. Virginie était surprise de la voir. Elle la croyait partie après leur rencontre. Sa chevelure était légèrement ébouriffée et sa chemise, tantôt parfaitement droite, sortait légèrement de son pantalon. Mme Ducharme riait à gorge déployée. Lorsqu’ils avaient aperçu Virginie, ils étaient tous les deux restés surpris. Se remettant assez vite de son choc, son mari était venu la rejoindre. 

– Grosse journée ? l’interrogea-t-il en lui déposant un baiser sur la tempe.  

– Oui, répondit-elle simplement. 

– Rebonjour Mme Bernier, commença la mère de Sibylle. M. Légaré et moi venions tout juste de terminer la rencontre de parent pour Maxime. Contrairement à Sibylle, mon fils semble très bien performer à l’école. Ce fut une longue journée, vous m’excuserez, mais je vais rentrer chez moi. Bonne soirée à vous deux. 

Elle se retourna vers M. Légaré et le salua avant de se diriger vers la cage d’escalier.  

– Toute une femme! s’exclama son mari une fois cette dernière hors de portée. Alors, raconte-moi ta journée. 

Ils s’étaient dirigés vers la maison sans trop en reparler. Cependant ce matin, quelques minutes avant l’entrée de ses élèves, elle ne pouvait s’empêcher d’y repenser. Elle n’avait pas pu oublier l’apparente légèreté de Mme Ducharme en sortant de la classe de son mari, alors que quelques heures auparavant seulement, elle semblait si froide devant elle. Ses élèves entrèrent rapidement au son de la cloche et s’installèrent à leurs bureaux. Elle repoussa son souvenir pour se concentrer sur l’exercice qu’elle devait leur annoncer. 

– Bonjour à toutes et à tous ! Aujourd’hui, nous ferons un exercice d’écriture un peu différent. Depuis le début de la semaine, nous nous sommes concentrés sur l’apprentissage de plusieurs nouveaux temps verbaux. Je vous propose donc, pour mettre en pratique ces connaissances, de m’écrire un court texte où vous utiliserez le passé composé ou le plus-que-parfait. Ce texte devra raconter un événement passé qui vous est arrivé et que vous avez trouvé bizarre. J’aimerais que vous utilisiez le verbe oublier comme thème principal de votre histoire. N’hésitez pas à mettre beaucoup de détails, à nommer des personnages ou des endroits pour rendre le tout encore plus réaliste. Bonne écriture ! 

Chaque élève sortit une feuille et se mit à écrire le texte demandé. Virginie circulait dans les rangées pour aider celles et ceux qui semblaient avoir plus de difficulté. Pour une fois, Sibylle semblait attelée à la tâche avec beaucoup de sérieux. Cela promettait !  

La cloche annonçant la récréation sonna et ses élèves vinrent lui remettre leurs histoires avant de se précipiter dehors. Ces quinze minutes de pause lui permettaient souvent d’aller retrouver son mari pour prendre un café. Elle le retrouvait dans la salle des enseignants, car ils ne souhaitaient pas qu’un élève les surprenne ensemble. Il était plus professionnel de garder leur relation secrète pour éviter des situations malaisantes.  

L’activité foisonnante de sa classe reprit son cours à la fin de la récréation et Virginie continua d’enseigner le français à ses élèves une bonne partie de la journée. En début de soirée, elle retourna chez elle en sachant qu’elle avait une pile d’histoires à corriger. Elle était plutôt heureuse de passer plusieurs heures dans l’imaginaire de ses élèves, sachant que son mari était parti jouer au hockey, comme tous les jeudis soir depuis quelques mois. Elle s’attabla avec un thé et commença sa correction. Elle souriait souvent en lisant les histoires cocasses et bizarres racontées dans les textes. Lorsque la correction du texte de Sibylle arriva, elle sourit en voyant que la jeune fille avait beaucoup écrit, ce qui était contraire à son habitude.  

Je vais te raconter un événement qui est arrivé la semaine passé. Tout les jeudi, j’ai des cour de karaté. Ma maman vient me chercher quand j’ai fini d’habitude, mais jeudi passer elle avais oublier. Maxime étais parti avec papa a ça parti de soccer donc il ne pouvais pas venir me cherché. Notre maison n’est pas loin de l’école, alors j’avais marcher jusque chez moi. Quand j’étais arrivé à la maison, j’avais oublié de cogné à la porte parce que je voyais de la lumiaire en dedan. J’avais entrer dans la maison et j’avais entendu maman rire dans sa chambre. J’avais entendu un rire de messieu aussi. Quand j’avais parler for et j’avait dit a maman qu’elle avait oublié de venir me chercher, elle avait couru dehor de la chambre anrouler dans les dras de son lit. Après quelque minutes, le messieu était sorti de la chambre lui aussi. J’avait reconnu M. Léggarer, le proffesseur de mon frère. J’étais surprise de le voir a la maison. Il a dit que Maxime avait oublié son sac d’école et qu’il était venu le porter à la maison. Il est parti après. J’avais trouver ça bizzare que M. Léggarer était venu porter le sac de mon frère. Maman était aller dans sa chambre et m’avait dit d’aller faire mais devoir, elle était fatiguer et retournait se coucher. Elle m’a dit de pas dire à mon père qu’elle avais oublier de venir me chercher et de ne pas parler de M. Léggarer. J’espère que tu a aimer mon histoire ! 

Virginie resta muette de stupéfaction. Elle contempla longuement l'exercice de Sibylle, ne sachant pas quoi penser de cette révélation. Qui eût cru qu’une élève de dix ans allait un jour lui annoncer la relation d’adultère qu’entretenait son mari ? Elle allait le confronter à son retour du « hockey ». Une chose est certaine, elle n’oublierait jamais cet exercice de conjugaison qui allait changer sa vie. 

Troisième position

William Plamondon – Lettres françaises
Une chanson nommée Souvenirs 

Il faisait noir. D’un coup, des images m’apparurent. Ma vision était entièrement brouillée. Je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Petit à petit, ma vision s’est éclaircie. Lorsqu'elle fut entièrement clairvoyante, j’ai remarqué que j’étais allongé sur un lit comprenant des barrières de chaque côté. Mon front était entièrement recouvert d'un plâtre, des tuyaux me rentraient dans le nez, des tampons reliés à un cardiogramme étaient collés sur mon torse et une seringue était plantée dans mon bras droit. J’ai deviné que j'étais à l'hôpital. Je ne pouvais pratiquement pas bouger ni parler. Une lampe était placée au-dessus de ma tête, des cartes à souhait et des peluches en harfangs des neiges sur la table de chevet au bord du lit. J’entendais le bruit rythmé d’un moniteur Holter. À ma droite, les images d’un cerveau sur un ordinateur. À ma gauche, la fenêtre de la chambre montrait une température très nuageuse, mais sans pluie. Le calendrier indiquait qu’on était le 8 novembre. J’y suis resté une heure sans comprendre ce qu’il se passait. Après cela, la porte de la chambre s’ouvrit et une jeune femme habillée tout en bleu entra dans la pièce. Elle était suivie d’un homme et d’une femme tous les deux dans la quarantaine, probablement un couple. Ils semblaient surpris de m’y retrouver dans cette pièce. Ils se sont précipités vers moi pour me prendre la main. Ces personnes m’étaient toutefois inconnues. Je ne comprenais alors pas pourquoi ils s’intéressaient à moi. L’infirmière m’a alors expliqué qu’à la suite d’une commotion très grave, je me suis retrouvé dans le coma depuis 1 mois. L'impact a en conséquence endommagé ma mémoire à long terme. Le couple m’a ensuite expliqué qu’ils étaient mes parents. À ce moment, je comprenais encore moins que tout à l'heure. J'accepterai tout de même que ce soit eux qui me prennent en charge lorsque je sortirai de cet endroit. Ainsi, je suis né.  

Trois jours plus tard, ces deux personnes m’ont finalement conduit chez eux. Je ne comprenais pas du tout cette gentillesse. Lorsque nous fûmes arrivés, je leur ai dit qu’ils avaient une très jolie maison, la plus belle de toute la rue. Après avoir franchi leur porte, ils m’ont dirigé dans une pièce carrée similaire à celle où j’étais né. Ces «parents» m’ont expliqué que c’était ma chambre. Je n’y croyais pas. Je la trouvais belle, mais je ne l'ai jamais vue. Pour moi, c’était celle de quelqu’un d’autre. Les murs étaient verts. Il y avait des trophées de hockey et de musique sur les étagères, des affiches de plusieurs musiciens rock, des toutous de harfangs des neiges semblables à ceux de mon lit d’hôpital placés sur le lit ainsi qu'un piano portatif. Je l'ai essayé et je ne savais pas quelle touche taper pour jouer la note désirée. Dans des cadres, il y avait des photos d'un jeune garçon.  Je ne pouvais pas imaginer que c’était moi, mais il me ressemblait tellement. Deux heures plus tard, ce fut le moment de remonter à l'étage pour souper. Le monsieur avait préparé des spaghettis à la sauce rosée. Il m’a dit qu’il a cuisiné mon plat préféré. Dans ma tête, j'allais le déguster pour la première fois. J’ai quand même adoré. En me promenant, j’ai découvert d’autres portes. En en ouvrant une, j'ai remarqué que c’était une autre chambre. Les murs y étaient rouges et orangés. On y retrouvait un écran de télévision avec une console de jeux Xbox, plusieurs affiches de Batman, une collection de Legos et des guitares suspendues sur des crochets. Derrière la porte d’à côté, c’était une autre chambre. Les murs y étaient bleus et roses. Il y avait une batterie proche de la fenêtre, des affiches de groupe KPop sur les murs et plusieurs figurines Star Wars. Je me demandais à qui ces pièces pouvaient appartenir. Le soir venu, on a regardé ensemble une émission s’appelant Notre vie. Je n’ai pas tout compris, mais je crois que je devrai écouter tous les épisodes précédents pour mieux comprendre l’histoire. Arrivé à l’heure de dormir, je me sentais mal à l’aise de me coucher dans un lit inconnu, chez des gens censés être mes «parents». 

Neuf jours plus tard, nous avons regardé des vidéos souvenirs des «parents». Ils tenaient à ce que je les vois. J’ai regardé le jour où un jeune bébé est arrivé dans leur maison, ses premiers pas, la première fois qu’il a patiné, ses anniversaires, ses Halloweens, ses Noëls, son premier jour d’école, ses tournois de hockey, ses spectacles de musique, son bal de finissant, ses vacances à Old Orchard, à Tadoussac, à Cuba, au Mexique, à Disney World, à New York, à Paris, à Chamonix et à Vancouver. Cette personne avait une vie envoûtante qui me plaisait beaucoup. J’aurais tellement aimé vivre à sa place. J'ai remarqué à quelques reprises l’apparition de deux enfants dans cette famille. Ils sont arrivés bébés et sont devenus des adolescents. Mes «parents» m’ont simplement répondu qu’il s’agissait de mon petit frère et de ma petite sœur sans me donner plus d’explications. Je compris maintenant à qui appartenaient ces chambres. À la dernière vidéo, je le vis à 17 ans en train d’essayer une voiture de sport verte. C'était sa première comme il a mentionné. Ça semblait être l'une de ses passions. J’ai alors demandé à mes «parents» s'ils avaient toujours cette voiture. Ceux-ci semblaient tristes en m’ignorant. J’ai compris qu’ils ne voulaient pas me répondre.  

Deux jours plus tard, nous sommes allés faire une promenade en voiture. Nous nous sommes arrêtés à une crémerie. Là-bas, les saveurs de crème glacées me semblaient toutes bonnes. J’en ai finalement demandé une à la vanille trempée dans le chocolat à l’érable. Mon «père» m’a dit que lorsqu’on venait ici tous les mois, je prenais toujours la même saveur qui était une crème glacée au chocolat trempé dans du chocolat Aero. Nous nous sommes assis à une table extérieure. Un jeune garçon aux environs de mon âge est venu ensuite nous joindre. Il a d’abord salué mes parents, mais il semblait s’intéresser plus à moi. Je me disais que c’était une connaissance de la famille ou un voisin. Ce visage qui m’était cependant familier. Ma «mère» m’a expliqué qu’il est mon unique ami et que je suis très proche avec lui. Tout à coup, il me revint en mémoire. Ce garçon apparaissait à quelques moments dans les vidéos que mes deux «parents» m’ont montrés. Tout ce que je sais à son sujet est que j’ai beaucoup joué au hockey avec lui et qu’on adorait passer notre temps à cet endroit. On portait aussi les mêmes uniformes d’école. Je ne lui ai pas parlé beaucoup néanmoins. Je ne savais pas quoi lui dire. Le garçon essayait à quelques moments de commencer des conversations, mais sans succès.  J’étais un peu mal à l’aise que la conversation soit comme ceci. Après avoir fini de manger nos cornets, mon «ami» m’a laissé pour aller jouer à la planche à roulettes au parc situé à côté de la crémerie. Je savais que son vrai ami aimait ça, car il en faisait beaucoup dans les vidéos souvenirs. J’ai alors demandé à mes «parents» si je pouvais y aller moi aussi. Ils m’ont répondu que ma tête ne pourrait pas survivre une deuxième fois si je recevais un autre coup féroce. Pourtant, j’aurais aimé essayer. Ça me semblait être une des choses les plus amusantes au monde. J'ai deviné que je ne pourrai simplement pas faire de sport. Je n’aurais jamais cru que la vie me priverait d’un tel privilège.  

Nous nous sommes retournés à la voiture pour continuer notre sortie. Nous nous sommes stationnés devant une bâtisse. J’ai cru qu’on allait à l’église, mais mes «parents» se sont dirigés vers les allées de pierre à côté. Je ne comprenais pas pourquoi on allait là. Ils se sont arrêtés devant une pierre tombale avec le nom de deux personnes. Ils avaient le même nom de famille que celui de mes parents. J'ai remarqué qu'il s'agissait de mon «frère» et de ma «sœur». Le couple pleurait toutes les larmes de leurs corps en déposant des cadeaux. Ces jeunes valaient beaucoup pour eux, mais de mon côté, malgré ce qu’ils m’ont montré à leur sujet, je n’ai pas pu éprouver de tristesse. Je ne les ai jamais vraiment connus. Ils m’ont ensuite raconté qu’ils nous ont quittés dans un terrible accident s'étant déroulé il y a un mois. À ces mots, je compris tout. Je me sentais grandement coupable. Tout était de ma faute. Comment ai-je pu faire une chose pareille? Ces deux gentilles personnes ont perdu leurs trois enfants à cause de moi. Ils ont tout de même essayé de me consoler en me disant qu’ils ont quand même été chanceux puisque l'un d'eux est toujours là. Ce n'est pas vrai, car je ne lui ressemble pas. Ce garçon a disparu et tout ce qu’ils voient devant eux n’est que son corps et sa voix.  

À l’intérieur d’une boîte transparente située à la droite de la pierre, un poème a particulièrement attiré mon attention. Il s’intitulait Souvenirs. Mes parents m’ont dit que c'était une chanson et que c’est moi, ma sœur et mon frère qui l’avons écrite ensemble en hommage aux beaux moments que nous avons vécus. Mes parents m’ont fait écouter cette composition enregistrée sur un IPad qu’ils avaient apporté. C’était la plus belle mélodie que j’ai entendue depuis le peu de temps que j’ai vécu. À ce moment, pour la première fois depuis ma naissance, j’éprouvais la tristesse de mes parents.