A Tribute to Michèle Kérisit

Faculty of Social Sciences
School of Social Work
In memoriam
Distinguished professor
Scholarships
Michèle Annick Kérisit 1951-2011
It is with great sadness that we have learned of the passing, on the 23rd of June 2011, of Michèle Annick Kérisit, dedicated feminist, professor and colleague in the School of Social Work. All employees and students at the School of Social Work, the Faculty of Social Sciences as well as the entire academic community of the University of Ottawa offers their sincerest condolences to Michèle's family and friends.

Michèle Kérisit Scholarship

Today and in the future, Michèle’s name will live on. Thanks to generous donations by her husband and former colleagues at the University of Ottawa, students will have the opportunity to benefit from a scholarship in Michèle’s honour.

Recipients

  • 2023 - Anonymus
  • 2022 - Anonymus
  • 2021 - Samantha Umutoni
  • 2020 - Vicky Tsanang
  • 2019 - Vicky Tsanang
  • 2018 - Vicky Tsanang
  • 2018 - Irina Cervinski
  • 2017 - Amina Hufane
  • 2017 - Francisca Kweto
  • 2016 - Berthe Kabore
  • 2015 - Franisca Kweto
  • 2014 - Hodan Farah
  • 2013 - Alie Pierre

Elegy by Simon Hanmer

Michèle Kérisit … ce nom raisonne pour beaucoup parmi nous réunis ici aujourd'hui! On l'a connu comme sœur, comme amie, ou bien, comme dans mon cas, comme femme, amante, et ma meilleure amie. Sachez qu'elle est morte, à la maison, dans la tranquillité, paisiblement, pendant qu'elle dormait – sans douleur, sans anxiété, sans détresse, sa main dans la mienne.

Je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour pleurer sa mort  - mais pour célébrer sa vie. Et quelle vie ! Michèle n'a jamais été «ordinaire » ; elle a toujours fait les choses à sa façon. Primo, elle est tombée amoureuse de moi – elle m'a aimé pendant 36 ans: pas simple à faire quand on me connait bien. Secundo, elle a fait son Master (au Canada) après son Doctorat (en France), quand la bonne occasion s'était présentée pour faire ce qu'elle avait toujours voulu vraiment faire: une étude anthropologique. Tertio, elle a toujours voulu travailler avec les autres – afin de contribuer à améliorer leur sort: c'a commencé en tant que volontaire à travers les groupes de femmes en France, puis ses travaux avec les femmes immigrantes en tant que consultante au Canada, puis dans le cadre de ses recherches collaboratives à travers des partenariats multiples au sein de l'Université d'Ottawa et ailleurs.

Son voyage à travers la vie l'a amené au Golfe Persique où elle était chef du département de Français à l'université de  Koweït pendant trois ans, au Lycée Claudel à Ottawa, à monter sa propre boîte de consultation et, éventuellement, à l'École de service social à l'université d'Ottawa. La majorité des images que vous avez déjà vu d'elle dans la salle de visitation montrent la Michèle que vous avez connue ici au Canada, et je les ai choisies exprès pour vous rappeler votre amie – votre collègue. Mais les images que vous voyez ici vous montre Michèle telle que je l'ai rencontré il y a 36 ans dans sa Bretagne natale quand on avait tous les deux 23 ans, et les quelques années suivantes pendant lesquelles on voyageait ensemble à travers le sud de la France, qu'elle aimait tant.

Je l'ai rencontré pour la première fois dans le bar le plus insalubre de sa ville de Quimper le 6 mai, 1975. Je venais de débarquer de l'Angleterre pour commencer un été d'étude géologique pour ma thèse de doctorat. Elle était en train de se lancer dans la sienne en même temps qu'elle enseignait à l'école secondaire. Je ne me rappelle plus comment mais, vers la fin de cette première soirée, on s'est retrouvé au fond de la salle du bar en train de se disputer sur la Chine. J'oublie le sens du débat aujourd'hui mais je sais que ce soir-là je me suis dit que je n'avais jamais rencontré une femme pareille. Je suis tombé follement amoureux d'elle plus ou moins sur le coup, mais elle insistait que ce n'était pas possible: que je ne la connaissais pas encore. Et nous voici – 36 ans plus tard – au mois de juin 2011, on est toujours ensemble - et je l'aime toujours autant: enfin bref, j'avais raison !

Michèle a toujours adoré jardiner - ça se voit si vous connaissez ses jardins chez nous  - à la maison. J'ai donc choisi d'enterrer ses cendres au jardin botanique du cimetière Beechwood, là où on va pouvoir se recueillir auprès d'elle, dans un environnement calme et de toute beauté que je suis persuadé qu'elle aurait choisi elle-même, un endroit digne de rendre le calme dans l'âme à ceux qui lui rendront visite. En plus, un de ses auteurs préféré est Marcel Proust, ce qui explique la phrase qui sera inscrite sur la plaque de bronze qui marquera l'emplacement de ses cendres:

“Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur; elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries”
Marcel Proust, Les plaisirs et les jours

Alors, Michèle va laisser un grand trou sans fond dans ma vie – trou que je ne saurais jamais combler. Je la pleurerai, mais pas ici, pas aujourd'hui. Ces deux dernières années ont été à la fois les pires et les meilleures de ma vie. Pires - pour des raisons trop évidentes. Meilleures parce que devant l'énormité de cette cruelle affliction qu'est le cancer on revoit toutes ses priorités afin de n'en garder qu'une - ce qui m'a permis de focaliser toute mon attention sur elle, sur nous, et notre couple.

Alors, aujourd'hui je vous demande de me rejoindre en célébrant sa vie et sa libération de sa maladie

Michèle,  je t'ai tant aimé pendant 36 ans – je t'aimerais toujours

Elegy by Guillaume Perilhou

« Un cancer, une embolie, une congestion pulmonaire : c'est aussi brutal et imprévu que l'arrêt d'un moteur en plein ciel. (…) Il n'y a pas de mort naturelle : rien de ce qui arrive à l'homme n'est jamais naturel puisque sa présence met le monde en question. Tous les hommes sont mortels : mais pour chaque homme sa mort est un accident et, même s'il la connait et y consent, une violence indue .»

C'est par ces mots que Simone de Beauvoir clôt le récit des derniers jours de sa mère, Une mort très douce; et reflète notre sentiment à tous que je ne pourrai, bien sûr, exprimer de meilleure manière. Un sentiment de douleur sourde mais vive, de rage violente et assommante qui nait quand vient la mort, et que le poète Dylan Thomas évoquait en 1951 : «Do not go gentle into that good night, / Rage, rage against the dying of the light.»

Alors voilà, c'est fini, fini fini, tu n'es plus là, tu ne le seras plus, et c'est aujourd'hui la dernière fois que je te parle, à toi qui ne m'entends pas et ne me répondras pas. Tous ceux qui sont ici m'entendent, toi seul ne le peux. Mais, après tout, et alors? Les absents n'ont pas toujours tort.

Ce sera plus triste, maintenant, la vie sans toi. J'ai appris que tu allais mourir un samedi après-midi du mois de mai. Il faisait très beau, très chaud; je me promenais dans les jardins du Palais Royal, à Paris, avec François. Ma mère, au téléphone, m'annonça la nouvelle. «Je vais aller la voir la semaine prochaine, je vais me faire remplacer, je vais acheter un billet d'avion. C'est bientôt la fin.» Je ne sais pas si j'ai vraiment réalisé. Mais en apprenant ta mort, jeudi dernier à midi, j'ai compris que je devrais à présent avancer dans la vie sans ta voie.

Tu es certainement, Michèle, la personne à laquelle je ressemble le plus, de toutes celles, du haut de mes 20 ans, qu'il m'a été donné de connaitre. Et j'ai toujours ressenti une immense fierté à être ton neveu. Je la ressentirai toujours. Tu n'as pas eu d'enfants, « c'est pour mieux m'occuper de toi» m'avais-tu répondu, quand un matin d'été, petit, en Bretagne, je t'avais demandé pourquoi. Je serai toujours fier d'avoir été si proche de l'anthropologue féministe qui avait un beau jour, il y a longtemps, décidé de devenir Lévi-Strauss; qui avait, arrivée ici, toi la professeure de Français, repris des études et rédigé un mémoire sur des coutumes indiennes que tu avais observées dans des réserves. Tu étais aussi une femme de gauche qui m'a donné le goût de l'engagement. Le goût des mots, également.

Je me souviens de mon Bac de Français, de combien tu m'as aidé, en tante attentive; rappelle-toi des répétitions organisées autour de la table de la salle à manger, chez moi, en France ! On y étudiait Rousseau, Voltaire, Cohen, Chateaubriand... Le jour de l'examen, je suis tombé sur un extrait des Mots, de Sartre : Les fauteuils du Luxembourg. Mon préféré. Il s'y dépeignait en petit garçon misanthrope, incapable de jouer avec les autres enfants du jardin. Son grand-père, ancien professeur d'Allemand, lui avait transmis l'amour des livres et il était plus heureux dans la bibliothèque de cet homme avec qui il grandissait qu'en compagnie des petits êtres humains de son âge. Ma tante à moi, ancienne professeure de Français, m'a aussi transmis l'amour des livres, tout comme elle m'a transmis celui de l'écriture. Michèle, tu m'as révélé l'incroyable pouvoir de la littérature, qui prolonge la vie des disparus et empêche les vivants de disparaître.

Oui, ce sera triste, maintenant, la vie sans toi, mais je serai toujours heureux en pensant à toi, et ce quand la tristesse passera, elle aussi, comme le bonheur, comme la vie, comme les souvenirs qu'on oublie pour moins souffrir ou qu'on mélange avec ceux des autres ou avec ses mensonges.

Des souvenirs avec toi, j'en ai plein. Ton parfum, ou plutôt tes parfums, ta voix, ton sourire, ce gros pick-up blanc que tu avais loué la deuxième fois que je suis venu ici te voir, chez toi, et avec lequel nous étions partis à l'aventure au fin fond de l'Ontario, parce que tu l'aimais, l'aventure – c'est d'ailleurs sans doute ce goût pour elle qui t'avait conduit à aller vivre à Koweït, trois ans durant, après en avoir eu marre d'enseigner en Normandie et alors que personne, à Quimper, ne savait même placer Koweït sur une carte du monde... Un fils d'émir avait tenté de t'y séduire, m'as-tu confié, et tu te rappelais encore de ton ébahissement face au nombre incalculable de pur-sang arabes qui peuplaient son écurie. C'est une des très rares choses que tu m'as dites sur Koweït.

Moi je me souviens de mon enfance, aussi, de la joie immense que nous avions, mes parents, mon frère et moi à te retrouver tous les étés au mois d'août et la tristesse, à la fin, au moment de ton départ. «Je n'ai toujours connu ma sœur que comme ça, avec ses départs», m'a un jour dit ma mère. Il n'y avait plus qu'à attendre Noël, parce que tu venais aussi à Noël, quelques jours.

Te souviens-tu de notre visite chez ton amie Andrée, par un bel après-mididu mois de juillet ? J'avais, chez elle, éprouvé un sentiment heureux : j'étais là, chez cette amie si gentille, d'un jour à l'autre, au Québec, à boire du jus d'orange et à parcourir son jardin magnifique, chatouillé par le courant de la rivière. Quelle chance, me disais-je, quelle chance d'avoir une tante comme toi ! une tante d'Amérique si aimante, si drôle! si intelligente, aussi – peut-être surtout. Et comment pourrais-je oublier votre fou rire, à toi et à Andrée, devant la maison, quand au moment de repartir tu n'arrivais plus à monter dans notre pick-up, tant il était haut... Une fois au volant, tu riais encore, et n'avais pas épargné quelques fleurs dans la manœuvre de l'engin.

Au moment où j'écris ce texte il fait chaud, le soleil m'englobe et me frappe. Et ce soleil, lui aussi, me rappelle à toi. Tu l'aimais profondément, tout comme le rythme de vie et le climat méditerranéens.

«Ce soleil, cette mer, mon cœur bondissant de jeunesse, mon corps au goût de sel et l'immense décor où la tendresse et la gloire se rencontrent dans le jaune et le bleu» écrit Camus quand il pense au Sud, dans Noces à Typasa. Tu avais un temps eu envie d'aller vivre dans le sud de la France; tu ne le pourras pas, et ça me rend triste. Mais... à quoi bon ? Je sais qu'à la fin de ta vie tu étais sereine et, j'ai beau chercher, je ne vois pas ce qui peut être plus important.

Moi je ne l'ai pas toujours été, serein; je m'en suis voulu. Nous nous écrivions beaucoup, beaucoup, mais je m'en suis voulu de ne pas t'avoir assez écrit ces derniers temps, ces derniers mois, pas assez appelé non plus. Plus j'avais le temps, et moins j'écrivais – oui, mais je t'écrivais plus que ne t'appelais, «ça nous convient mieux» m'avais-tu un jour assuré. Tu me disais que j'écrivais bien, et qu'avec ça, c'est sûr, je réussirai dans la vie. Je m'étais alors empressé de t'annoncer, fièrement, il y a un an, que Gisèle Halimi, l'avocate irrespectueuse, m'avait envoyé le livre qu'elle avait écrit avec Beauvoir, Djamila Boupacha, et qu'elle me l'avait dédicacé. Cette féministe qui symbolise, parmi d'autres, le métier d'avocat auquel j'aspire, m'envoyait le livre qu'elle écrivit avec une des plus grandes de toutes. Cette dédicace, à mes yeux, me rapprochait encore un peu de toi, liant, d'une certaine façon, mes études de droit à ton engagement féministe...

Mais enfin, «n'importe, nous nous serons bien aimés» dirait Flaubert.

De toute façon, loin de moi ici l'envie de faire pleurer. On l'a déjà suffisamment fait. Nous connaissons tous ton amour de la vie. Certains diraient qu'ils croient «aux forces de l'esprit», et je serais d'accord avec eux. Comment penser que tu ne seras plus du tout parmi nous ? C'est une bêtise, bien sûr que tu seras toujours avec nous et bien sûr que nous penserons toujours à toi joyeusement. D'ailleurs, en juin 2004, tu trouvais très bien, toi, à la mort de Nanu – ta mère à qui tu ressemblais – que je sois habillé en rouge. Pas en noir. Merde le noir, merde la fausse vie, merde les regrets, les douleurs, les erreurs, aux chiottes les médocs, à bas la tristesse et bonjour l'allégresse, on y va on continue on est là pour ça. On l'a aimée, Nanu.

Pour ma part, je penserai toujours à toi comme cette seconde mère à qui je pouvais tout dire et à qui j'ai presque tout dit, à qui j'ai beaucoup parlé de l'amour, moins bien que Racine, mais de mes amours que tu as toujours approuvés le plus naturellement du monde, parce que, justement, ce sont des amours. Je penserai toujours à toi avec la plus grande fierté, la plus grande liberté; mon esprit tourné vers toi sera toujours marqué d'une tendresse immense, d'une reconnaissance infinie. Je t'aime, Michèle.

Et je rêverais qu'un jour des inconnus lisent ce texte et entendent ta voix, si chaude et sereine, et se disent : ne la pleurons pas, elle a magnifiquement vécu, c'est un sourire qui demeure.

Elegy by Caroline Andrew

I first met Michèle  in the early 1990's – she was active in Match and had met Linda Cardinal who told her that the University was setting up a school of Social Work and that Michèle should talk to me – merci Linda.

Quelle belle rencontre. Le contact était  immédiat et je me souviens très clairement encore  de la pièce – 3ieme étage de Tabaret au bout du corridor – et le plaisir d'une conversation qui allait de tout bord tout sujet et je savais que c'était une personne à qui je voulais continuer à parler – et nous avons effectivement  beaucoup parlé depuis cette première rencontre.

Michèle était une intellectuelle – engagée et féministe – et certainement la personne que je connais qui illustrait le mieux l'idée que la chose la plus pratique est une bonne idée.  Elle voulait théoriser la pratique pour mieux comprendre les paramètres et les contraintes sur la pratique et donc ensuite pour travailler avec la ou les communautés pour mieux agir. Elle a travaillé sur les sujets d'une importance sociale réelle – les femmes immigrantes francophones, les femmes vieillissantes et également des questions de méthodologie qui pour Michèle étaient également d'une importance sociale réelle.

I only understood later when we worked together  on a research project on the history of the City's engagement with diversity how involved Michèle had been with the community – and the City -  before coming to the University – she had done diversity training for some of them, worked  with others. She was known and respected.  I learned a lot from working with Michèle and we had so much fun working together.  Discussions that would go in all directions and that strained the mind – as Michèle was not only rigorous in her thought but wanted rigour from others. The way she asked questions about my unclear thoughts did lead to better and clearer thoughts. That was the pleasure of working with Michèle.

J'ai aussi été sur des comités de thèse avec Michèle – et elle était superbe – une combinaison d'exigeante, chaleureuse et toujours fascinée par le sujet de l'étudiante. Michèle s'intéressait à beaucoup de sujets  - mais en même temps les femmes  immigrantes francophones et les femmes vieillissantes restaient au centre de ses préoccupations intellectuelles et sociales. Je dois dire que dans ma douleur actuelle une des choses que je regrette le plus est de ne pas être capable de vieillir avec Michèle – elle aurait été en France avec son compagnon de vie, un être humain formidable, Simon, et moi j'aurais été ici à Ottawa mais nous aurions eu le temps de nous voir. Je sais que j'aurais profité de ses théorisations sur le vieillissement, que nous aurions eu un plaisir immense à réfléchir ensemble et que nous aurions beaucoup ri et beaucoup pensé.

I also want to bring words about Michèle from others who worked with her, admired her work and became close friends. Simone Pennec from l'Université de Bretagne Occidentale à Brest who let me know that Michèle's last article, "L'impact des dispositifs de l'Etat sur les solidarités familiales des nouveaux arrivants au Canada" will be published this year in a book edited by Françoise Le Borgne-Uguen and Muriel Rebourg. Simone Pennec also sent me, for this service, the following text which for me is so evocative of Michèle

Michèle

La rencontre avec Michèle eut lieu tout d'abord par sa voix
Un appel pour envisager des échanges
Ils eurent lieu très vite
Elle était dans sa chère Bretagne, à Quimper

La chaleur de sa voix, jusqu'à la fin,
Sa bienveillance à l'égard de tant et tant d'autres
Ces autres qu'elle semblait comprendre si finement

La modestie de Michèle, marque de son intelligence
A l'affût de tout, du complexe et du simple
Son ouverture au Monde

Michèle aimait vivre
Elle aimait partager son art de vivre
Collègues, devenues amies, nous avons partagé
Des idées, le goût de rire, des rêves pour demain
Avec d'autres collègues, d'autres amies
Aujourd'hui dans la peine
Mais riches de cette histoire
De la voix de Michèle
Des images, des lieux, des traces

- Simone Pennec

And I want to close in quoting Michèle – her presentation in Buenos Aires where we had been with Silvia Chejter and the meeting of the Argentinean Association of Canadian Studies – Michèle's conference was a total success – and Michèle was pleased with the presentation –  something rare for her as she was extraordinarily tough on herself – it was the presentation that will be published  next year and I want to quote her conclusion -

Mon but dans cette présentation n'était pas nécessairement de dénoncer des politiques canadiennes inadéquates en matière de refuge et d'asile. Il s'agissait de vous donner à entendre comment les inadéquations et les contradictions inhérentes à ces politiques faisaient resurgir dans la voix des femmes survivantes de guerre et de violence extrême l'écho des souffrances vécues, comme une répétition en mineure des bruits de la violence et de la déshumanisation encourue. Sommées de raconter une histoire inaudible devant des auditoires soupçonneux, sauvées de la violence extrême dont elles ont été victimes ou témoins, condamnées pendant un temps long à vivre de rien et sans l'appui des êtres qui leur sont proches, les femmes rencontrées trouvent tout de même la force de comprendre et prendre leur place en tant que sujet et créatrices de leur vie. Cette reprise du sens ne peut d'ailleurs se faire que si on la perçoit dans la trame des histoires respectives de leur pays et du Canada.

 Merci Michèle – pour avoir été une magnifique créatrice de ta vie.

Elegy by Andrée Côté

J'ai rencontré Michèle dans le cadre d'une recherche-action sur l'impact du parrainage sur les femmes immigrantes francophones de l'Ontario. Ça a immédiatement cliqué entre nous. Ensemble, nous avons travaillé plus de trois ans sur ce projet parfois difficile, comme peuvent l'être les recherches-action avec un collectif de femmes.

Mais nous avions une complicité intellectuelle très forte. Ce fut une des plus belles collaborations de ma vie. Quand ce projet fut terminé, nous étions de grandes amies. Suite à cette recherche, le Mouvement Ontarien des femmes immigrantes francophones a été mis sur pied. Michèle a continué à travailler sur de nombreux projets avec ce collectif.

Michèle a consacré sa vie à la cause des femmes, ses recherches ne portant pas seulement sur les femmes immigrantes et réfugiées, les femmes ayant survécu aux conflits armés et les femmes de la Francophonie ontarienne, mais aussi sur les femmes âgées. Elle a écrit sur Simone de Beauvoir, et l'art du savoir. Intellectuelle chevronnée, elle a publié de nombreux articles et ouvrages, et prononcé moult conférences.

Pourtant, Michèle refusait de se cantonner dans la tour d'ivoire universitaire. Elle n'hésitait pas à travailler sur le terrain avec des groupes de femmes et collectifs.  En tant que professeure et Directrice de l'École de service social, elle a formé plusieurs jeunes de la relève Franco-Ontarienne et en paticulier, des jeunes femmes d'origines africaine et maghrébine. Son intelligence, sa solidarité indéfectible avec les femmes d'ici et d'ailleurs nous manqueront cruellement à toutes.

Michèle était - que c'est difficile  de parler au passé- une belle femme, élégante. Et pas seulement du point de vue de son apparence physique, sa présence, ses beaux vêtements, son flair. Elle avait une telle élégance intellectuelle: intelligence, perspicacité, curiosité, tact, humour… Quel plaisir que de prendre l'apéro avec Michèle et discuter de l'état du monde. Tout l'intéressait, et on pouvait toujours être certaine qu'elle nous étonnerait avec une analyse originale, inédite, d'une situation. Elle aimait d'ailleurs se tenir au courant des événements et des idées, et on pouvait toujours être certaine de trouver chez elle Le Monde, le Nouvel Obs, des revues scientifiques, les derniers essais en Sciences sociales et les meilleurs romans. Quel bonheur que d'être en sa compagnie.

Michèle avait toujours le sourire aux lèvres et le rire facile. Toujours à l'écoute de ses amies, le coeur ouvert et disponible. Bonne vivante, accueillante, généreuse hôtesse, c'était toujours un plaisir d'aller chez Michèle et Simon.

Depuis qu'elle a été diagnostiquée, il y a deux ans, j'ai appris aussi à connaître le courage et la force de Michèle. Je ne sais pas si je pourrais passer à travers les épreuves qu'elle a subies avec autant de grâce. Elle aimait la vie, elle voulait vivre, et elle a vécu pleinement, présente, intéressée et intéressante jusqu'aux dernières semaines de cette cruelle maladie qui aura finalement eut le dernier mot.

Son grand amour pour Simon l'aura porté toute sa vie. Et Simon, cet être parfois un peu bourru et farouche, s'est révélé être un homme d'une infinie tendresse, un modèle d'amour. J'étais toujours très émue de pouvoir être le témoin privilégié d'une si belle histoire d'amour. Michèle nous a été enlevée beaucoup trop vite, mais je sais qu'elle est morte dans les bras de son amoureux, et je ne peux imaginer meilleure façon de quitter cette terre.

Adieu Michèle, tu vas me manquer.